Les célèbres intégrations de la Faculté de communication de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) se sont déroulées cette année du 6 au 9 septembre. Après que de nombreux scandales aient terni la réputation de l’Université par le passé, un changement de mœurs semble désormais s’opérer dans ce rite de passage.
« Ce n’est pas stressant, tu n’as pas de pression. […] Je ne me suis jamais senti forcé à franchir mes limites d’une façon déraisonnable », exprime Gabriel Lebleu, étudiant au baccalauréat en communication marketing, au sujet de son expérience durant les intégrations.
Le ton de l’événement cette année était clair : la cheffe des Zèbres a déclaré dès la première journée qu’« absolument aucune forme de discrimination ou violence sexuelle ne serait tolérée, sous peine de se faire exclure des initiations. »
Les Zèbres sont un groupe d’étudiants et d’étudiantes qui, le temps des initiations, se glissent dans la peau de personnages intimidants, visant à déstabiliser les nouveaux arrivants et les nouvelles arrivantes à l’UQAM.
Des limites transgressées
En 2013, les intégrations de la Faculté de Communication ont eu mauvaise presse dans divers médias. Un article du Journal de Montréal avait rapporté des pratiques jugées sexistes lors de ces événements. Les « Pimps zèbres » et les « Putes zèbres » trimballaient, au cours des activités, une poupée gonflable sexuelle, ce qui en a contrarié plusieurs, y compris des groupes militants féministes. Quelques uqamiens et uqamiennes les avaient qualifiés de « féministes enragées ».
Des groupes militants féministes non affiliés à l’UQAM s’étaient présentés aux intégrations pour manifester leur désaccord, provoquant une confrontation avec les étudiants et étudiantes sur place.
Près de dix ans plus tard, Mathieu Aubry, ancien Zèbre et étudiant en journalisme à l’UQAM de 2016 à 2019, estime que les initiations ont aujourd’hui perdu leurs épisodes d’excès malsains. « Beaucoup d’éléments se sont améliorés au fil des années. […] Il y a eu la campagne de “Sans oui, c’est non!” qui avait commencé à l’Université de Montréal ». L’UQAM avait suivi le mouvement et s’était jointe à cette campagne visant à prévenir les violences à caractère sexuel en 2016. « Il n’y avait plus cette notion d’intimidation, d’abuser de sa position d’autorité », souligne Mathieu.
Le plaisir, le respect de soi et le consentement sont désormais à l’honneur, juge-t-il. « On boit, on s’amuse, on se couche tard. […] Il n’y a plus de choses dégradantes comme avant, c’est maintenant rendu très festif », note-t-il.
L’ancien étudiant se remémore qu’un défi, lancé à la place Émilie-Gamelin en 2016 et consistant à se déshabiller et à se rhabiller en deux minutes, avait mis mal à l’aise de nombreux et nombreuses initié(e)s de sa cohorte. Se retrouver en sous-vêtements devant une vingtaine de nouvelles connaissances est un « brise-glace » qu’il qualifie de « surprenant ».
Une présence rassurante
Des membres de la communauté étudiante occupaient le rôle de personnes-ressources lors des fêtes arrosées des intégrations cette année. Sobres, ils et elles demeuraient disponibles si quelqu’un avait besoin d’aide. Ces « anges » étaient facilement repérables par leur tenue blanche, leurs auréoles et leurs ailes.
« Les initiations, ça peut donner lieu à des débordements », croit Gabriel Lebleu. « Les anges sont là pour te protéger, pour protéger tout le monde et pour assurer la sécurité. C’est sûr que c’est essentiel. »
La présence des anges est récente : ce rôle a été incorporé aux intégrations en 2019.
Un climat sécuritaire
Lola Chavanne, membre du comité organisateur des initiations et étudiante au baccalauréat en stratégies de production culturelle et médiatique, témoigne de l’attention particulière accordée à la sensibilisation et à l’éducation en matière d’abus d’autorité. « Chaque personne qui avait une position de pouvoir a suivi une formation [de trois heures] du Centre d’aide et de luttes contre les agressions sexuelles […] qui vise à contrer le harcèlement », détaille-t-elle.
La coorganisatrice assure que les intégrations sont aujourd’hui aussi amusantes que respectueuses. « On voulait en faire un endroit sécuritaire pour tout le monde. […] De façon générale, c’est de mettre de l’avant d’avoir du plaisir, de faire en sorte que les gens se lient entre eux, et non qu’ils et elles en sortent traumatisés », conclut-elle.
Mention photo : Lucie Parmentier|Montréal Campus
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