Pour que la pratique journalistique puisse remplir son rôle, la représentation de l’ensemble de la société est nécessaire. Toutefois, si la diversité semble de plus en plus considérée au sein des journaux étudiants, il reste du chemin à faire avant qu’elle ait sa juste place dans tous les médias d’information au Québec.
En tant que vigies de la diversité et de l’inclusion, notre travail au sein du Montréal Campus prend enfin forme. Les sujets sont plus diversifiés, les intervenant(e)s plus représentatif(ve)s des communautés concernées, et les angles d’approche, plus variés. Lorsque d’autres journaux étudiants nous ont contactés pour inclure une Vigie au sein de leur propre équipe de rédaction, nous savions que notre labeur portait fruit. Jusqu’où cette démarche peut-elle se rendre ? Il importe de faire état de la diversité au sein du journalisme québécois.
Des salles de nouvelles peu diversifiées
Pour une diversité dans l’actualité, il faut une équipe de rédaction diversifiée, ce qui est quasi absent des médias traditionnels québécois. Journaliste et nouvellement cheffe d’antenne pour Noovo, Noémi Mercier voit un manque frappant de représentation au sein des salles de nouvelles. « Si l’on compare à la proportion issue des minorités visibles, ethniques et autres, dans la population québécoise, les proportions sont nettement moindres », remarque la journaliste issue de la diversité.
Comparables sur le plan de la diversité, ces équipes de rédaction journalistique dépeignent un portrait disproportionné de la société. Ce constat est aussi perçu par la journaliste, chroniqueuse et autrice féministe québécoise Judith Lussier, qui observe cette problématique depuis longtemps dans la pratique journalistique. « C’est effectivement important parce que depuis toujours, le journalisme a été très homogène, sous le couvert de la neutralité […] et il y a encore beaucoup de chemin à faire pour avoir plus de diversité dans les médias », soutient la chroniqueuse.
Un changement à l’interne s’impose
Ce travail essentiel que les médias doivent entamer demande des changements organisationnels permettant une inclusion des populations relevant de minorités au sein de la structure des médias d’information. Plusieurs initiatives peuvent être mises en place pour entamer un changement selon l’autrice : « Il faut accompagner et aider les personnes issues de la diversité à présenter leur candidature et leurs reportages, parce qu’il y a la barrière supplémentaire de ne pas avoir accès à des réseaux, de ne pas avoir accès aux bons contacts », propose Judith Lussier.
Difficilement accessibles pour ces journalistes issu(e)s de la diversité, les médias d’information nécessitent pourtant leur intégration, afin d’apporter un angle d’approche différent sur l’actualité. Selon la journaliste affairée aux communautés autochtones de Radio-Canada, Véronik Picard, il importe d’inclure ces journalistes de la diversité dans les salles de nouvelles pour engager des discussions et développer le réflexe de traiter des sujets relatifs aux communautés marginalisées. « Il faut des collègues qui peuvent, à même la salle de nouvelle, les sensibiliser à l’importance de ces nouvelles-là, et à la manière de les traiter, sans biais inconscient et avec plus de sensibilité culturelle », précise la journaliste. Selon elle, une inclusion de la diversité aux divers postes de direction représente la solution pour intégrer efficacement les journalistes de la diversité et comprendre mieux les enjeux qu’ils et elles défendent.
Repenser nos liens avec le monde
Les difficultés liées à l’inclusion au sein du journalisme au Québec s’étendent plus loin que les salles de nouvelles : elles touchent tout le milieu des communications. Au-delà de l’intégration des communautés marginalisées à l’interne, Véronik Picard considère qu’un travail de diversification des ressources des journalistes est nécessaire, afin de bâtir un cercle relationnel inclusif. « Il y a un travail à faire de collaboration entre les médias et les communautés [autochtones]. Ça prend des journalistes qui vont faire l’effort de tisser des liens concrets, de proximité, avec des intervenants des communautés », propose la journaliste de Radio-Canada.
Ce manque de sources d’information sur le terrain est habituellement un reflet du manque d’inclusion perçu au sein de la pratique journalistique. L’ancien directeur de l’information et professeur à l’École des médias de l’UQAM, Roland-Yves Carignan, voit un problème dans la structure de la production journalistique, et ceux et celles qui la conçoivent en amont. « Il y a un côté systémique dans le fonctionnement du journalisme, qui engendre ce manque de représentation. Il importe de voir et de comprendre ce qui alimente l’information journalistique », explique le professeur invité.
Le journalisme de demain
« On ne peut pas dissocier la fonction du journalisme et de la représentation, c’est la même chose. Selon le rôle social du journalisme, il doit être inclusif par définition », explique Roland-Yves Carignan. Si la représentativité est alors intrinsèque à la pratique journalistique, l’intégration et l’inclusion constituent des modifications de fond, qui vont au-delà de la diversification des équipes. Selon Noémi Mercier, il faut redonner du pouvoir aux journalistes issu(e)s de la diversité, afin qu’ils et elles puissent adéquatement représenter leur réalité. Toutefois, elle met en lumière l’importance de leur formation journalistique, outre leur identité : « Les journalistes provenant de minorités ne sont pas juste la diversité ou les oppressions qu’ils subissent, ils sont des gens qui ont toutes sortes d’expériences et d’expertise », et qui méritent ainsi leur place dans le milieu journalistique, comme tout le monde.
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