Faisant figure de proue depuis son arrivée dans le domaine, Renée Pichette est la première sexologue au Québec à œuvrer en oncologie, un département médical se spécialisant en soins du cancer. Après une vingtaine d’années dans le milieu, elle continue d’assurer la relève et reste dédiée à pousser de l’avant sa spécialisation.
L’amour de Renée Pichette pour la sexologie est né du contact humain avec ses patients et ses patientes, à l’époque où elle faisait carrière comme secrétaire médicale. Curieuse d’en savoir plus sur la santé sexuelle, en plus de vouloir mieux s’outiller pour ses adolescents, elle décide de faire un retour aux études à l’âge de 39 ans.
Au début des années 1990, elle complète un certificat en sexualité humaine, à l’Université Laval, puis un baccalauréat et une maîtrise en sexologie, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Suite à des stages en clinique spécialisée en colposcopie et en gynécologie à l’Hôpital Notre-Dame, Renée Pichette choisit de poursuivre son implication auprès de cette clientèle. C’est entourée de cette équipe interdisciplinaire valorisant son travail qu’elle voit l’importance de faire connaître sa profession. « Je suis tombée en amour avec la clientèle [et] avec le travail qui se faisait [à la clinique] », explique-t-elle.
Après une dizaine d’années de bénévolat au sein de cette clinique, Renée Pichette obtient un poste au département oncologique du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), en 2008.
Puisqu’il n’y avait pas d’offres universitaires sur le sujet, c’est à travers ses expériences de bénévolat, ainsi que de nombreuses années de recherche que la sexologue a pu mieux comprendre la complexité des effets de certains traitements liés au cancer sur la sexualité.
« C’était beaucoup plus pointu que ce à quoi je m’attendais, indique-t-elle. Je suis contente, parce que ça m’a permis d’aller au-delà de ce que je [connaissais] par rapport à la sexualité humaine. » La santé sexuelle peut être affectée de diverses façons par des problèmes médicaux, comme le cancer. « Il y a beaucoup de conséquences qui vont perdurer après les traitements, donc [il faut savoir] comment on s’adapte à ces changements », dénote-t-elle.
La sexologue clinicienne et psychothérapeute offre des consultations individuelles à la clientèle atteinte de cancer, pour répondre à leurs questions en lien avec leur sexualité.
En quête de reconnaissance
L’intégration d’une sexologue au milieu oncologique est un premier pas, mais du travail reste à faire pour mieux répondre aux besoins de la population en matière de santé sexuelle, selon la directrice générale et secrétaire de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ), Isabelle Beaulieu. « On parle aussi de [besoins] en CHSLD [et pour] des personnes qui sont victimes d’abus sexuels », cite en exemple la sexologue à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont Louise Aubertin, qui partage cet avis.
Selon Renée Pichette, les budgets en santé sont un frein à l’intégration des spécialistes en sexologie dans les différents milieux de la santé, surtout si cet ajout n’est pas vu comme une obligation. Grâce à ses années de bénévolat, le réseau de contacts de Renée Pichette dans le milieu médical s’est agrandi et ce n’est pas rare que des professionnel(le)s de la santé d’autres départements demandent ses services. C’est une des raisons pour lesquelles elle insiste sur l’importance d’avoir des sexologues au sein des équipes interdisciplinaires du réseau hospitalier. « Si on s’occupe de sa santé globale, on ne peut pas mettre de côté sa santé sexuelle », affirme-t-elle.
Une profession encadrée
Ce ne sont pas moins de vingt années de travail dans un groupe de collègues sexologues dont faisait partie Renée Pichette, qui ont mené à la création de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec en septembre 2013. L’OPSQ a été envisagé pendant une trentaine d’années comme solution pour assurer une meilleure reconnaissance du domaine en permettant, entre autres, la protection du public et des sexologues. Renée Pichette a observé une différence quant à la perception de la sexologie dès la publication des lettres patentes de l’OPSQ, un document gouvernemental qui officialise la constitution d’un ordre.
L’engagement et le travail soutenu requis pour la création d’un ordre n’ont pas fait reculer Renée Pichette, qui a contribué à ce projet avec joie, consciente de sa nécessité. La contribution bénévole n’a d’ailleurs rien de nouveau pour la sexologue clinicienne, qui s’impliquait auprès de sa paroisse dès son jeune âge. Elle mentionne que le bénévolat fait partie de ses valeurs, ce pour quoi elle s’est toujours proposée pour les causes qui lui tenaient à cœur.
La sexologue Louise Aubertin, son amie de longue date, remarque qu’elle est aussi « généreuse de son temps, que ce soit auprès de sa famille, de la clientèle qu’elle dessert ou de sa profession ». L’implication de Renée Pichette dans la création de l’OPSQ a d’ailleurs été soulignée par l’obtention du prix Mérite du conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) en 2020, une reconnaissance bien méritée selon ses collègues.
Selon la directrice générale de l’OPSQ, Isabelle Beaulieu, ce sont des sexologues comme Renée Pichette qui ont réellement ouvert la voie aux prochaines générations au sein de la profession. Après de nombreuses années consacrées à répondre aux besoins de son milieu, Renée Pichette œuvre toujours comme sexologue en oncologie au CHUM et continue de former la relève et de promouvoir sa profession.
Lorsqu’elle accroche son habit de sexologue, elle aime prendre du temps pour jardiner et s’occuper de ses petits-enfants. Mais elle ne prévoit pas cesser de pratiquer son métier de sitôt. « Quand je vois que mes patients récupèrent une qualité de vie, malgré les changements que les traitements ont [apportés] à leur sexualité, c’est ma plus belle récompense », confie-t-elle.
Mention photo Manon Touffet | Montréal Campus
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