« Comprendre l’autre, accepter l’autre et construire ensemble » : c’est ce que recherche le touriste aguerri Fabrice Dehaene à chacun de ses voyages au Canada. Depuis le début de la pandémie, le tourisme autochtone, qui a longtemps été prisé par les Européens, commence à attirer de plus en plus les Québécois(es) friand(e)s de découvertes dans leur propre pays.
Le tourisme autochtone se traduit par un service touristique offert « par les Autochtones, et non à propos des Autochtones », explique Jason Picard-Binet, gestionnaire des ventes à l’Association touristique autochtone du Canada (ATAC). Cette dernière accompagne les entreprises de tourisme autochtone dans le développement et le marketing des expériences qu’elles proposent. La notion d’authenticité est au cœur de la démarche.
L’offre tourne autour de la découverte de la culture par des musées, des événements ou encore la gastronomie. Le développement durable et le contact avec la nature sont aussi des enjeux au cœur du tourisme autochtone. Des expériences en plein air, des hébergements en territoires traditionnels et des activités en pourvoiries y sont d’ailleurs proposées. Selon Sébastien Desnoyers-Picard, chef national du marketing de l’ATAC, depuis la pandémie « les gens ne veulent plus rester dans les grands centres. […] Il y a une grande effervescence vers le retour aux sources. »
Le tourisme ayant été particulièrement ébranlé par les mesures pour lutter contre la COVID-19, les entreprises touristiques ont dû davantage compter sur l’intérêt des Québécois et des Québécoises envers le tourisme local. Sébastien Desnoyers-Picard affirme que le secteur du tourisme autochtone est celui qui est le plus en croissance au Canada.
Reprendre le contrôle de son histoire
Selon Sébastien Desnoyers-Picard, la mort de Joyce Echaquan le 28 septembre 2020 et la découverte des corps d’ancien(ne)s pensionnaires autochtones au printemps 2021 ont poussé les Québécois et les Québécoises à vouloir réapprendre l’histoire de ces groupes.
Claude Boivin est propriétaire d’Aventure Plume Blanche, un site naturel à Roberval au Lac-St-Jean, qui offre plusieurs activités et hébergements autochtones. Il raconte qu’après avoir pris part aux excursions qu’il organise, les participant(e)s s’en trouvent changées.
Selon Sébastien Desnoyers-Picard, ce type d’offre touristique permet de déconstruire les idées préconçues. « Ce n’est pas vrai que c’est juste de l’alcoolisme et de la violence conjugale partout. […] C’est souvent de la généralisation », illustre-t-il.
Pour les membres des communautés autochtones, l’industrie du tourisme permet la réappropriation de leur culture. Ils et elles peuvent se reconnecter avec les savoirs ancestraux et le territoire.
Un tourisme moderne
Beaucoup d’entreprises trouvent important de distinguer les coutumes issues des traditions ancestrales de celles du quotidien, parfois plus modernes. Pour Claude Boivin, les deux sont importants. « On montre d’où est-ce qu’on vient, où on est et où est-ce qu’on s’en va », explique-t-il. Cependant, certains aspects demeurent plus sensibles à exposer. La spiritualité est une partie de la culture que les communautés autochtones préfèrent parfois garder dans la sphère intime. Les entreprises prennent toutefois en compte ce qui intéresse les touristes.
Aux yeux de Sébastien Desnoyers-Picard, la ligne est parfois fine entre le folklore et les traditions ancestrales. Même pour un touriste comme Fabrice Dehaene, les expériences non authentiques sont reconnaissables : «Si vraiment vous passez du temps à […] découvrir, vous voyez tout de suite que c’est de l’artificiel et du préfabriqué », affirme-t-il.
Des enjeux à surveiller
Même si la plupart des personnes semblent avoir une opinion très favorable du tourisme ー autant du côté des voyageurs et des voyageuses que des membres des communautés autochtones ー celui-ci n’est pas sans défi.
Jason Picard-Binet souligne les motivations à réduire les impacts environnementaux. Il y a une prise de conscience croissante quant à la capacité de ce qu’une entreprise peut offrir sans nuire à la nature et à la communauté. « Il faut être conscient du surtourisme, qui en ce moment n’est vraiment pas un problème dans notre secteur, mais qu’il faut regarder attentivement », fait-il mention.
D’une certaine façon, le tourisme autochtone permet d’explorer différentes traditions et savoirs ancestraux rendus tangibles par la main de contemporains et contemporaines, tout en gardant à l’esprit l’évolution constante que vit chaque nation. Pour Sébastien Desnoyers-Picard, ce qui différencie le plus le tourisme autochtone des autres types de tourisme, c’est le contact humain. Quant à Fabrice Dehaene, « c’est d’être en immersion dans le quotidien des gens. » « On est [dans] les relations humaines et ça, ça n’a pas de prix », renchérit-il.
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