La vague de dénonciations survenue l’été dernier a provoqué de nombreux remous dans la société québécoise et l’UQAM n’a pas été épargnée. Plusieurs membres du corps enseignant et de la communauté étudiante ont été dénoncés sur les réseaux sociaux pour des actes sexuels répréhensibles dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur. Et il y a très peu de surprises.
Cet été, plus d’une centaine de personnes du milieu académique ont été dénoncées sur les réseaux sociaux, particulièrement sur le compte Instagram « victims_voices_academia ». Les listes d’agresseurs et d’agresseuses potentiel(le)s qui ont circulé contenaient le nom de plusieurs enseignants et enseignantes et quelques-uns provenaient de l’UQAM. Les dénonciations vont bon train, et les listes d’agresseurs et d’agresseuses sont de plus en plus étoffées.
L’Université s’est dotée d’une politique visant à prévenir et à combattre le sexisme et les violences à caractère sexuel: la fameuse politique 16. Elle établit en long et en large les procédures à suivre et les politiques mises en place pour tenter d’enrayer ces comportements problématiques. Cette politique a fait pas mal de bruit lors de son implantation et de sa refonte en 2019.
La politique 16 doit obligatoirement se trouver dans les plans de cours. Il s’agit d’une directive de l’Université. Cette obligation ne reflète toutefois pas le tabou qui habite encore certains membres du corps professoral, qui refusent de parler de cette politique. Je suis convaincue qu’un bon nombre d’enseignants et d’enseignantes prennent le temps d’aborder la politique 16 avec leurs élèves. Plusieurs ont eu cette discussion difficile en début de session, car ils et elles comprennent que c’est pour le bien de tous et de toutes. Pourtant, ceux et celles qui prennent le temps d’en discuter ne font que mettre en lumière le reste qui ne le fait pas. Au cours de mes trois ans en journalisme, un seul enseignant a abordé la politique 16. Un seul. À un certain point, ne pas lire la politique sur le plagiat, ou ne pas lire complètement le plan de cours, ça peut passer. Mais passer outre la politique qui définit le harcèlement sexuel peut avoir des conséquences à long terme sur la culture universitaire de l’UQAM.
Est-ce que le corps professoral assume que les élèves sont au courant de son contenu? Les enseignants et enseignantes ont-ils et elles une crainte d’aborder ce sujet épineux devant une classe entière? Le manque de volonté de se mouiller sur le sujet crée par contre plus de problèmes qu’il n’en règle. En refusant de présenter ce sujet, les professeurs, professeures et chargé(e)s de cours privent les étudiants et les étudiantes d’avoir accès à des outils qui peuvent prévenir les actes à caractère sexuel.
La politique existe pour protéger toutes les parties mises en cause, incluant le corps professoral. En 2014, des professeurs de l’UQAM ont été visés par des allégations d’agression sexuelle lorsque des autocollants se référant à la politique 16 ont été déposés sur la porte de leur bureau. Des élèves ont ressenti le besoin de poser ce geste pour être entendu(e)s. Est-ce qu’en discuter au début de cette session aurait pu résoudre la situation? Non, mais cela aurait pu éviter l’escalade de tensions.
Les outils et règlements exposés dans la politique 16 doivent être présentés aux élèves. Il faudrait rendre obligatoire sa présentation lors du premier cours. Quitte à ce que les étudiants et les étudiantes l’entendent plusieurs fois lors de la première semaine de cours. Une discussion sur la politique 16 entre la personne en position d’autorité et les élèves permet aussi dès le départ d’établir des limites claires pour tous et toutes.
Outre la politique 16, d’autres projets uqamiens sont pertinents et méritent une certaine attention. Le Service d’aide légale pour victimes d’abus sexuels (SALVAS) est un de ceux-ci. Il s’agit d’un endroit où les survivants et les survivantes d’actes à caractère sexuel peuvent avoir une aide juridique concrète de qualité, au sein des murs de l’Université. Le SALVAS s’est aussi lancé dans un volet de prévention au cours des dernières semaines. Une association entre cette initiative et l’Université pour aider le corps professoral à aborder la politique 16 pourrait être bénéfique et peut-être enfin venir à bout du tabou de cette fameuse politique.
Cet article est paru dans l’édition papier du 1er décembre 2020.
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