Des collaborateurs et collaboratrices uqamien(ne)s mènent la charge pour la défense des droits de l’homme à l’international. Ils et elles collaborent avec divers organismes pour tenter d’obtenir la libération d’un homme emprisonné en Égypte et de créer un précédent juridique à grande échelle.
C’est outre-mer que la Clinique Internationale de Défense des Droits Humains de l’UQAM (CIDDHU) concentre en grande partie son énergie cette session. La directrice de la CIDDHU, Mirja Trilsch, a choisi d’étudier le cas de l’arrestation de Patrick Zaki, un étudiant à la Maîtrise en études de genres à l’Université de Bologne en Italie qui travaille également en recherche sur les droits de l’homme à l’Initiative Égyptienne des Droits Personnels. Le 7 février 2020, au moment de son retour en Égypte après avoir brièvement rendu visite à sa famille en Italie, Patrick Zaki a été mis en état d’arrestation par les autorités égyptiennes.
Les allégations portées contre M. Zaki sont la publication de rumeurs et de fausses nouvelles, l’incitation à protester sans autorisation, l’appel au renversement de l’État, l’utilisation des réseaux sociaux pour compromettre l’ordre social et l’incitation à la violence et au terrorisme, explique l’étudiante en relations internationales et droit international à l’UQAM et travailleuse au CIDDHU, Melissa D’Alesio.
Elle ajoute sur cette dernière accusation que le terme « terrorisme » est utilisé à géométrie variable par le gouvernement égyptien. Le gouvernement de Abdel Fattah Al-Sisi a créé une loi contre le terrorisme très large qui englobe une grande majorité du travail des activistes et des journalistes qui défendent les droits humains dans le pays.
« Les allégations faites contre M. Zaki sont très exagérées et carrément fausses en ce qui concerne le terrorisme, » affirme Mme D’Alesio. Elle explique qu’aux yeux de la communauté internationale, contrairement à ce que l’Égypte soutient, les campagnes de protection des droits humains sur lesquelles travaillait M. Zaki ne relèvent en rien de complots terroristes.
Mme Trilsch ajoute que les allégations portées par l’État égyptien sont uniquement basées sur une dizaine de publications Facebook de Patrick Zaki et que cette quantité minimale d’information est loin de constituer le fardeau de la preuve. « Cela fait maintenant neuf mois qu’il est en prison sans qu’aucune accusation formelle ne soit déposée contre lui. Avec ce que nous savons sur le dossier, sa détention nous semble peu justifiée sur la base de ce qui est avancée contre lui », explique-t-elle.
Craintes à l’Université de Bologne
Le professeur de droit international à l’Université de Bologne, Attila Massimiliano Tanzi, affirme que le recteur de l’université, Francesco Uberniti, est impliqué avec le gouvernement italien dans les procédures judiciaires entamées pour la libération de leur étudiant, mais que l’appréhension règne toujours sur leur communauté. « Nous sommes inquiets puisque l’arrestation de Patrick [Zaki] nous rappelle ce qui est arrivé dans le cas Regeni », explique-t-il.
M.Tanzi fait référence à Giulio Regeni, un étudiant italien doctorant de l’Université Cambridge, qui a été enlevé et torturé à mort en Égypte en janvier 2016. Le gouvernement égyptien n’a jamais admis sa culpabilité, mais une enquête a révélé que M. Regeni avait été sous la garde des autorités égyptiennes avant sa mort. Cinq responsables de la sécurité nationale égyptienne ont été officiellement accusés de sa torture et de son meutre.
« L’incarcération d’un individu ne peut pas être justifiée par de la discrimination basée sur son acitivité politique. Un gouvernement ne peut pas utiliser une législation domestique pour briser une loi internationale. »
-Attila Massimiliano Tanzi, professeur de droit international à l’Université de Bologne
Le fait que l’Égypte brise si clairement la loi et les conventions internationales lui donne bon espoir que la communauté mondiale appliquera suffisamment de pression sur le gouvernement égyptien pour mettre un terme à la détention de M. Zaki.
La place de la CIDDHU à l’international
Une des clés à la libération de Patrick Zaki est une reconnaissance de sa situation à l’international. L’étudiante en relations internationales et droit international à l’UQAM Gabrielle Rheault affirme que « l’objectif de toutes les actions qu’entreprend la clinique est que le cas de M. Zaki soit connu au Canada et ailleurs. »
« La CIDDUH est en quelque sorte devenue une institution en matière de droit international au Québec et même au-delà du Québec, dans la mesure où nous approchons nos partenaires pour élaborer des actions conjointes », déclare Mme Trilsch. La CIDDUH est à la base un cours universitaire, mais elle permet à ses étudiants et à ses étudiantes de s’impliquer directement dans de véritables dossiers de défense des droits humains, en partenariat avec plus de 60 organisations réparties aux quatre coins du globe.
Elle agit un peu comme une ONG avec ses collaborateurs et ses collaboratrices pour la défense des droits humains dans plusieurs dossiers internationaux. La CIDDUH s’est notamment impliquée dans la protection des droits de l’enfant en Côte d’Ivoire et a également travaillé sur la protection des droits de la femme en collaboration avec la Global Alliance of National Human Rights Institutions.
En droit international, aucun dossier n’est identique, mais dans tous les cas, la CIDDHU a tendance à s’adresser aux instances internationales.
« Nous aimerions que notre travail puisse créer un précédent juridique qui donnera espoir à toutes les personnes qui se retrouvent dans la situation de M. Zaki », raconte-t-elle. Les membres de la CIDDUH approchent quotidiennement leur travail en espérant faire une différence dans la vie de prisonniers et prisonnières politiques à l’international.
Illustration de : Gianluca Costantini
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