Cours à distance, isolement social, temps d’écran accru : la session d’automne 2020 est loin d’être ce à quoi la communauté uqamienne est habituée. Les conditions d’apprentissage en temps de pandémie ne sont pas idéales pour les étudiants et les étudiantes, alors qu’en est-il pour les personnes qui vivent avec un trouble déficitaire de l’attention?
Selon un rapport de l’Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap (AQICESH) en 2019, 3% de la communauté étudiante du Québec vit avec un trouble déficitaire de l’attention (TDA), avec ou sans hyperactivité. À l’UQAM, ce seraient environ 1300 personnes qui vivraient avec cette disposition cognitive qui rend difficile, voire impossible, de maintenir la concentration face aux distractions.
Pour Ophélie Blanchard, étudiante de troisième année en communication politique, la rétention de l’information passe du tout au rien. « Une fois que j’ai perdu le fil, c’est perdu pour de bon et quand je vais rembarquer, le cours va être ailleurs », raconte-t-elle.
Lorsque ses cours se déroulent en présentiel, elle peut s’asseoir à l’avant de la classe, poser des questions et rester impliquée dans la matière en interagissant. Lorsqu’elle doit suivre ses cours dans sa chambre, tout ce qui traîne vient la déranger : ses vêtements, son téléphone, son chat… L’environnement de travail se mélange avec celui du loisir et elle doit redoubler d’efforts pour maintenir un état d’esprit scolaire.
Lorsqu’elle anime les rencontres web hebdomadaires FOCUS, destinées aux étudiants vivant avec un TDAH, la psychologue France Landry recueille les impressions des participantes et des participants. « En [étudiant] à la maison, le travail peut s’étendre sur une plus longue période, parfois jusqu’à donner l’impression d’être tout le temps dans les travaux. Cette perte de structure temporelle apporte parfois une difficulté à s’activer pour commencer un travail », explique-t-elle.
S’il est difficile de trouver un environnement d’étude à la maison, la bibliothèque de l’UQAM propose la location d’espaces de travail individuel via son site web.
Réadapter les outils
À l’UQAM, le Service d’aide et soutien aux étudiants en situation de handicap (SASESH) offre à toute personne en difficulté d’apprentissage de consulter un ou une professionnel(le) et de bénéficier d’un plan d’intervention qui contient des mesures particulières pour faciliter son parcours scolaire.
L’étudiante en enseignement primaire Sarah-Jane Paradis note que les mesures d’aide pour son TDA, comme le temps supplémentaire aux examens, sont bien reconduites sur les plateformes numériques. « Par contre, avec les cours en ligne, je n’ai pas beaucoup d’examens et plus de travaux de session, pour lesquels je n’ai pas de modalités particulières », se désole l’étudiante, pour qui les travaux peuvent demander « trois à quatre fois plus de temps que [ses] amis ».
Des cours à géométrie variable
Le professeur au département d’éducation Jean Horvais se réjouit de la grande quantité d’outils technologiques mis à la disposition des enseignants et des enseignantes. « Par contre, la question est de savoir comment les utiliser », nuance-t-il. Le corps professoral tout comme la communauté étudiante démêlent encore les outils numériques mis à leur disposition par l’Université.
« J’ai un professeur cette session-ci qui lit un script écrit à l’avance, je n’ai presque pas de notes dans ce cours-là car il parle trop vite et refuse catégoriquement l’enregistrement », déplore Valérie Bonhomme, une étudiante de deuxième année en relations internationales qui est diagnostiquée d’un TDA depuis le cégep.
Ce n’est toutefois pas le cas pour tous les cours. L’idéal, selon les trois étudiantes interrogées, est une conférence zoom enregistrée avec un support visuel associé permettant de suivre sur papier le cours expliqué oralement. C’est ce que Jean Horvais appelle la « différenciation pédagogique », c’est-à-dire le fait d’apprendre via différents formats.
À l’instar de son collègue, le professeur spécialisé en intégration scolaire des élèves en difficulté Gérald Boutin croit en l’adaptation personnalisée de l’enseignement pour les élèves en difficulté. « Les étudiants doivent apprendre à se renseigner, mais les professeurs doivent reconnaître le parcours scolaire difficile des personnes avec un TDA et ouvrir la porte du bon sens! Il faut être inventif et ne pas s’accrocher aux choses du passé » soutient-il.
Mention photo Lauren Saucier | Montréal Campus
Laisser un commentaire