Après des mois de recherche, le réalisateur Pascal Sanchez a choisi une famille de réfugiés syriens, les Al-Mahamid, comme protagonistes de son premier long-métrage. Sorti le 25 septembre à la Cinémathèque québécoise, Loin de Bachar raconte le désir de liberté qui habite ces réfugiés de guerre, mais aussi les tourments d’un conflit qui ne les quittent jamais.
« Je voulais faire un film sur la pensée. Filmer la pensée comme si c’était un territoire avec des habitants, des animaux, des fleurs et des arbres », explique le cinéaste Pascal Sanchez. Les séquences de Loin de Bachar se succèdent dans un lent crescendo déployant toute leur force. Leur visage plongé dans un silence complet, les protagonistes se remémorent la Syrie. Sur l’auditoire déferle la nostalgie, la guerre, l’espoir de la paix, et pour l’instant d’une projection, le public porte en lui la souffrance de la communauté syrienne.
Le film se déroule à Montréal, où les Al-Mahamid ont trouvé refuge à leur arrivée de Syrie en octobre 2014. Le père de famille, Adnan Al-Mahamid, fait partie de ceux et celles qui ont tenté de se rebeller contre le président de la République arabe syrienne, Bachar el-Assad. À la suite de cela, il a perdu des frères et des amis, soit enlevés ou tués par le régime syrien, avant d’être lui-même arrêté. Tout au long du film, il raconte n’avoir jamais pensé survivre.
Communiquer sans parler la même langue
Si le réalisateur s’est buté à la barrière de la langue en travaillant avec les Al-Mahamid, il pouvait néanmoins les comprendre au travers de gestes d’affection. « C’était une adaptation. Je ne parle pas arabe, mais on arrivait quand même à communiquer. La mère de famille, Basmah, parlait un peu français et Adnan, l’anglais. J’ai fait traduire ce qu’ils me racontaient après le tournage. J’étais capable de comprendre ce qu’ils disaient quand même un peu, et je voyais leurs émotions », détaille Pascal Sanchez. Adnan, par exemple, parle souvent de ses proches en Syrie, dans cette profondeur et cette douceur qui rendent ses propos percutants.
Pendant plusieurs mois, l’équipe de tournage a accompagné les al-Mahamid dans leurs activités quotidiennes, comme dans la préparation des repas ou lors de soirées organisées par l’Université McGill, où Adnan est chercheur.
En participant à ce documentaire, les Al-Mahamid ont voulu démentir les stéréotypes visant les réfugiés syriens. Quand Pascal Sanchez a demandé à Adnan pourquoi il a accepté de participer, ce dernier lui a répondu : « Parce que nous sommes de bonnes personnes ». En visionnant ce documentaire, quiconque remarquerait les similitudes entre le quotidien des réfugié.e syriens et syriennes et celui d’une famille montréalaise.
La guerre dans les esprits
Certains silences du film résonnent plus que d’autres. C’est le cas de la mère de famille, Basmah, dont le silence semble un poids écrasant sur ses épaules.Dans la plupart des scènes, elle est sur son téléphone, navigant sur Facebook dans l’attente d’obtenir des nouvelles de ses proches en Syrie. Épuisée et tourmentée, elle confie qu’elle pleure toutes les nuits pour ses frères et pour la paix.
L’esprit de Basmah, tout comme l’appartement familial, est très sombre. La guerre continue de les hanter, raconte Adnan : « La malédiction poursuit encore celui qui en a vécu l’expérience ». Quand au bout de quelques semaines, Basmah reçoit un appel de son frère, elle s’illumine. C’est ce genre de scènes touchantes qui rendent hommage au film et en font un documentaire unique. « Loin de Bachar ne changera pas le cours de la guerre en Syrie. La portée du film se trouve peut-être dans l’ouverture qu’il pourra créer en chacun de nous », résume le cinéaste.
Photo fournie par l’ONF
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