L’utilisation du braille se raréfie au fil des années, bien que plus de 756 000 Canadiens et Canadiennes aient déclaré avoir une incapacité visuelle en 2012. De ce nombre issu de l’Enquête canadienne sur l’incapacité, près de 6 000 se servent de l’alphabet tactile. Regard sur ce langage en points saillants délaissé au profit des nouvelles technologies.
« C’est une façon de lire et d’écrire tactile. Il existe le braille français, anglais, mais aussi mathématique, scientifique, musical », explique la responsable des communications et du marketing à la fondation de l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA), Sarah Rouleau, à propos du braille.
Composé de six points saillants répartis de différentes manières selon la lettre, le nombre ou même la note de musique désirée, l’usager ou l’usagère passe son doigt sur les reliefs et peut ainsi lire, un caractère à la fois. Voici un exemple : ⠨⠍⠕⠝⠞⠗⠿⠁⠇ ⠨⠉⠁⠍⠏⠥⠎ (Lire ici « Montréal Campus »).
« Le braille, c’est quand même compliqué à apprendre à 18 ans , soutient l’étudiant en droit à l’Université de Sherbrooke, Yanick Gagnon-Carbonneau, qui a perdu la vue à cet âge. C’est plus facile pour moi de palier avec des outils comme une télévisionneuse qui permet d’agrandir [l’image], des loupes électroniques ou des logiciels de transformation de texte pour la synthèse vocale », explique l’homme de 22 ans atteint de la neuropathie optique héréditaire de Leber, condition affectant la vision centrale.
« À mon époque, c’était le braille ou rien », raconte pour sa part Maryse Glaude-Beaulieu, qui est devenue non-voyante à l’âge de 6 mois, il y a plus de 40 ans. Désormais, elle combine les technologies avec l’alphabet tactile, par le biais d’un afficheur braille, entre autres. Celui-ci permet de lire des documents électroniques.
Les failles du braille
« C’est beaucoup de transformation de documents, le braille, et c’est très peu accessible sur l’instantané, explique Yanick. Si je voulais mes documents en braille ou en version adaptée pour l’ordinateur, j’aurais des délais de traitement de 3 à 4 semaines par chapitre. En droit je ne peux pas attendre ces délais-là », illustre l’étudiant.
Yanick ajoute qu’il ne trouve pas l’alphabet tactile très pratique, notamment en raison de l’espace qu’occupent les écrits en braille, étant plus épais que l’ouvrage original. Maryse, qui est probraille, abonde néanmoins dans ce sens. Celle qui transcrit des livres à l’Université d’Ottawa défend tout de même l’alphabet tactile en précisant qu’avec « la technologie électronique maintenant, on peut garder nos livres sur une tablette ou sur un ordinateur ».
Selon elle, il est impératif que les personnes non-voyantes connaissent le braille. « Pour moi, le braille, c’est le papier et le crayon des voyants », illustre-t-elle. Elle explique que les ressources numériques ont leurs avantages, mais que ce n’est pas parfait. « Un gros désavantage de la synthèse vocale est qu’elle ne te donne pas l’orthographe des mots », déplore-t-elle. Sarah Rouleau partage cet avis : « Avec la voix, on ne peut pas faire la différence entre des [homophones], des accords ou la syntaxe. »
Bien que cet inconvénient ne s’applique pas à Yanick, puisqu’il possédait déjà sa littéracie lorsqu’il est devenu malvoyant, il concède quelques désagréments aux nouveaux outils électroniques. « S’il n’y a plus d’électricité demain matin, moi je ne suis plus fonctionnel du tout. Je dépends entièrement de la technologie », indique-t-il, précisant que la situation lui est arrivée lors d’un stage.
En plus de cette nécessité d’avoir du courant, il explique que les ressources numériques qu’il utilise sont très encombrantes et demandent d’être fixes. Il concède aussi que la synthèse vocale ou les autres équipements émettant du son peuvent être dérangeants pour ses collègues.
Un apprentissage difficile
« Pour l’autonomie et pour l’apprentissage, le braille est très important », indique Sarah Rouleau, en ajoutant que des conserves ou des CD peuvent être annotés, par exemple.
Malgré cela, seulement 0,8% des gens malvoyants connaissent l’alphabet tactile. Selon Maryse, le faible taux peut s’expliquer par la difficulté d’apprentissage : « il y a beaucoup de gens qui se démotivent à apprendre le braille, parce que quand tu es adulte, c’est compliqué ! »
Yanick partage cet avis. « Quand tu n’as pas la sensibilité plus développée au bout des doigts, quand tu sais que tu peux utiliser autre chose, ce n’est pas instinctif, dit-il, avouant toutefois qu’il ne s’imagine pas une personne non-voyante « se débrouiller totalement [à l’aide d’outils] audio sans le braille ».
Questionné à savoir s’il trouverait pertinent de le connaître un jour, Yanick répond en rigolant : « Absolument pas. Ça pourrait être amusant, comme apprendre une autre langue, mais je vais laisser ça aux autres pour le moment. »
Photo William d’Avignon | Montréal Campus
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