30e anniversaire du drame de Polytechnique : Touchante commémoration à l’UQAM 

C’est dans une ambiance calme et émouvante que s’est déroulée jeudi dernier, à l’agora du pavillon Judith-Jasmin de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la lecture publique du texte Où étiez-vous le 6 décembre ?, afin de rendre hommage aux 14 femmes tuées par Marc Lépine le 6 décembre 1989 à l’école Polytechnique de Montréal. 

L’événement organisé par Martine Delvaux, Mélissa Blais, Sandrine Ricci, Caroline Désy et l’Institut de recherche et d’études féministes de l’UQAM (IREF) a attiré un public essentiellement constitué de femmes de tout âge, bien que quelques hommes étaient sur place. Ce sont les voix des comédiennes Patricia Tulasne, Marie-Claude St-Laurent, Geneviève Rioux, Francine Lareau et Leïla Thibeault Louchem qui ont transporté les spectateurs et les spectatrices.

Ces dernières étaients présentes pour lire une centaine de témoignages de femmes racontant où elles étaient et ce qu’elles faisaient le soir de la tragédie et partageant leurs réactions face à la tuerie. « L’objectif était de créer un choeur de voix à partir d’une sélection d’extraits de messages postés sur mon mur Facebook, au cours des dernières années, à chaque 6 décembre », mentionne la professeure du département d’études littéraires de l’UQAM Martine Delvaux. 

La sociologue Sandrine Ricci a réuni cinq actrices qui se disent féministes. « Ce sont des personnes engagées, bénévoles et qui voulaient être là », indique la professeure de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, Dinaïg Stall. Celle qui a également fait la mise en lecture des témoignages indique qu’il était primordial d’avoir des femmes de tout âge pour la lecture publique. « Les témoignages retenus proviennent de femmes de tous âges, qui étaient parfois jeune adulte, parfois enfant, voire à peine née au moment de l’attentat antiféministe de Polytechnique. Nous souhaitions que la distribution reflète cela », précise-t-elle. 

Celle-ci a été divisée en quatre fragments. Si certaines histoires étaient récitées par une seule lectrice, d’autres phrases, comme « le monde a besoin de nous » ou « un monde où les filles ne tomberaient plus », étaient prononcées par les cinq femmes simultanément. Durant ces moments, personne dans la foule n’osait prononcer un mot. 

Certains récits donnaient des frissons, comme celui d’une jeune universitaire qui, après avoir entendu la nouvelle à la télé, a sauté dans un taxi dont le chauffeur n’avait aucune empathie pour les victimes, ou encore celui d’une femme qui a appris l’événement dans son appartement près du campus de l’Université d’Ottawa après avoir passé la soirée dans un restaurant avec son copain.

Bien que les lectrices n’aient pas laissé leurs émotions prendre le dessus, il était facile de percevoir en elles la tristesse, la colère et l’incompréhension. «  Je voulais que ça soit retenu dans le sens que l’émotion soit contenue, que la lecture ne soit pas trop émotive, parce que je trouve que ce qui ait dit est déjà très fort », explique Mme Stall. 

Deux animatrices en contrôle

Avant la lecture, les animatrices de l’évènement, les autrices Judith Lussier et Lili Boisvert, ont pris la parole pour parler du féminisme en 2019 sous un ton plus humoristique. « Bizarre que ce soit seulement aujourd’hui qu’on reconnaisse que c’était un attentat antiféministe », a affirmé Judith Lussier en riant. Toutefois, malgré cette allure plus amusante, le public pouvait comprendre l’importance de ce message.

Lili Boisvert a pour sa part raconté la réaction de sa mère lorsqu’elle a appris qu’une tuerie avait lieu à Polytechnique. « Ma mère s’est demandé dans quel monde de fous est-ce que j’ai mis mes trois petites filles », a-t-elle dit tout en versant quelques larmes. 

De plus, deux étudiantes en sociologie à l’UQAM ont pris place sur la scène entre deux segments de lecture. Bien qu’elles n’étaient pas nées au moment de la tragédie, elles ont tenus à rendre hommage aux 14 femmes assasinées en créant une bannière pour elles. 

Un problème loin d’être réglé

 « Il faut se rappeler que les choses ne sont pas encore acquises, que les droits [des femmes] sont fragiles et qu’elles sont sans cesse menacées et victimes de
violences », insiste Martine Delvaux, malgré les 30 ans qui ont passé depuis la tuerie. 

La professeure Dinaïg Stall abonde dans le même sens que Mme Delvaux et affirme qu’il est dangereux pour une femme de parler sur la place publique. « C’est souvent suivi de menaces et de messages haineux », affirme -t-elle. 

Photo Sandrine Ricci

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