Vivre, ressentir et prendre le pouls des concepts acquis: c’est ce que les étudiants de deuxième cycle en sciences des religions de l’UQAM recherchent lors d’un voyage en Inde dans le cadre du projet Gomukh.
« Les gens qui ne vont pas sur le terrain se privent d’une partie de la réalité », convient le professeur du Département de sciences des religions Laurent Jérôme. Il soutient que pour comprendre comment les gens pensent la religion, il faut surpasser les livres d’écoles.
Le projet Gomukh est un programme court de deuxième cycle, d’une durée d’un an, offert par le Département de sciences des religions de l’UQAM. Après deux séminaires préparatoires, une douzaine de participants s’envolent vers l’Inde pour entreprendre collectivement un pèlerinage de trois semaines vers le glacier Gomukh, en passant par la source du Gange. Ce cours d’eau sacré de 18 km permettrait aux gens qui s’y baignent d’obtenir un bon karma. Partant de Gangotri, près de la frontière du Tibet, les randonneurs ne voient que des chaînes de montagnes à perte de vue pendant plusieurs jours. Au fil des jours, l’ascension devient de plus en plus difficile, délaissant ainsi une partie du groupe à certains campements.
Le projet regroupe à la fois des retraités, de jeunes enfants et des étudiants de différentes universités canadiennes. Ceux-ci y participent pour entamer leur thèse ou simplement pour le plaisir d’apprendre sur le terrain, de ressentir la chaleur de l’Inde et de contempler le mélange de couleurs vives. Quelques-uns d’entre eux foulent le sol de l’Inde quelques semaines avant le pèlerinage ou prolongent leur séjour afin d’aller cueillir individuellement de nouvelles connaissances sur les multiples facettes des religions indiennes, passant par la démystification du tantra, soit la pratique de la sexualité sacrée, aux mères porteuses de l’Inde. Ces journées supplémentaires en sol asiatique permettent d’aller à la rencontre des Indiens de façon très intime. Les participants peuvent loger chez des locaux, partager des discussions, nécessitant parfois l’aide d’un ou plusieurs traducteurs, et être le sujet d’un rituel pour enlever des tensions psychiques.
Une participante de l’édition 2017 du projet Gomukh, Marie Kirouac-Poirier, s’est initiée aux visions du monde de la première nation santal, au nord-est de l’Inde. Cette nation transmet son histoire par des rituels où la présence du riz est impressionnante. Les rituels sont introduits avec la consommation de bière de riz, les animaux en sont vêtus lors des fêtes et la céréale est même intégrée dans certains récits santal de l’origine du monde.
Sortir des livres
L’interprétation occidentale de la cosmologie santal que Marie Kirouac-Poirier a d’abord recueillie dans la littérature au Québec diffère de ce qu’elle a pu découvrir en Inde, au coeur de la nation. L’étudiante complète que l’importance d’aller sur les lieux est différente pour chacun des étudiants. « Tout dépend de ton domaine d’études et de ta problématique », expose-t-elle.
En anthropologie, la recherche terrain est essentielle, selon une étudiante dans ce domaine qui s’est jointe au projet Gomukh dans le cadre de sa maîtrise, Catherine Deguise. « Ce serait ridicule de ne pas être sur place! », s’exclame la participante. Catherine Deguise est restée quelques semaines après le pèlerinage pour se pencher sur sa thèse, qui porte sur les Occidentaux qui s’établissent en Inde pour devenir ascètes, des êtres entièrement dévoués à acquérir une spiritualité frôlant la perfection. En rencontrant des ascètes et en échangeant avec eux, elle a pu acquérir de nouvelles connaissances.
En science de la religion, être sur le terrain n’est pas la seule alternative, selon le professeur Laurent Jérôme. « Il y a un certain nombre de connaissances qu’on peut acquérir avec des livres et des articles de gens qui sont eux-mêmes allés sur le terrain », précise-t-il. Plus encore, un étudiant qui se rend à l’étranger sans bagage théorique pour apprendre la religion ne serait pas suffisant. Celui-ci devrait combiner la pratique avec la préparation conceptuelle et méthodologique. « Il faut que les étudiants puissent avoir des outils sur […] comment interagir avec les gens [et] quelles précautions ils doivent prendre avant de se lancer », explique M. Jérôme.
Le projet Gomukh n’est toutefois pas accessible à tous. Sur le plan financier, Marie Kirouac-Poirier estime qu’elle a déboursé près de 2 500 $ de sa poche lors de son séjour, excluant les 1 000 $ obtenus par la bourse à la mobilité, qui peut seulement être décrochée par les étudiants de l’UQAM. Sortir des salles de classe est toutefois possible tout en restant dans la province. « À Montréal, il y a une grande diversité religieuse et on peut connaître une partie des dynamiques en fréquentant certains lieux », estime Laurent Jérôme.
photo: LAURENCE MEUNIER MONTRÉAL CAMPUS
Une présentation photo lors de la soirée de retour à la communauté du projet Gomukh, le 28 septembre 2017.
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