Tout dialogue serait bon à avoir, peu importe le sujet. Voilà l’idée maîtresse de l’approche pédagogique de Norman Cornett, qui lui aurait toutefois coûté son poste à l’Université McGill en 2007. Portrait d’un ex-professeur controversé, à l’heure où les débats sur la liberté d’expression dans les universités s’intensifient.
CE TEXTE FAIT PARTIE DU CAHIER PORTRAITS DE L’ÉDITION DU 5 AVRIL 2017 |
Norman Cornett est un expert des sciences des religions. Il est diplômé de l’Université Berkeley en Californie, où il s’est intéressé aux rapports entre la religion, les arts et la politique. Texan francophile, il s’est installé au Québec pour faire sa thèse doctorale et a ensuite enseigné à McGill une quinzaine d’années avant d’être congédié en 2007.
L’Université McGill s’était alors abstenue d’expliquer publiquement les motifs derrière le congédiement du professeur. Elle n’a pas offert plus de précisions à ce jour. Dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir, le vice-principal à la direction de l’Université, Anthony Masi, avait démenti que des questions sensibles sur le Moyen-Orient abordées dans les cours de M. Cornett étaient en cause.
« Quand on touche ces questions-là, le défi est de taille parce qu’il y a beaucoup de perspectives à couvrir, commente le professeur Cornett. Mais j’avais pris la décision: malgré tout, j’en parle, j’y vais », se rappelle-t-il.
La réaction de l’Université n’était toutefois pas si surprenante, selon le professeur qui croit que les grands donateurs de McGill imposent un certain conformisme au sein de l’Université. « On veut bien croire qu’il n’y a pas d’indications quelconques pour la quête du savoir, la recherche, voire la vérité. Mais, quand quelqu’un investit des millions dans une université, dans quelle mesure le savoir reste-t-il neutre? », souligne Norman Cornett.
Remettre en question
Lors d’un cours au doctorat, alors qu’il était le seul étudiant présent dans la classe, Norman Cornett a observé que le professeur ne s’adressait à personne. « Je me suis dit, si un professeur peut donner son cours en faisant une abstraction complète de ses étudiants, il faut repenser l’enseignement », affirme-t-il.
Commence alors son virage pédagogique. « Comment faire mieux, comment aller à la prochaine étape, que [l’éducation] devienne vivante, réelle, pratique et qu’elle nous colle dans les tripes jusqu’à la fin de nos jours », cogite le coloré professeur.
Norman Cornett a alors développé sa démarche bien à lui : l’approche dialogique. Celle-ci consiste en l’ouverture d’un dialogue entre toutes entités dans la classe. « Pour moi, il est très important d’humaniser l’éducation, de l’individualiser et je dirais même de la personnaliser », fait-il valoir. Cette nouvelle méthode pédagogique est basée sur les questionnements et les débats d’idées, notamment entre les étudiants et les conférenciers qui défilaient dans ses cours. «Il n’y a qu’une seule mauvaise question: celle qu’on ne pose pas», résumait simplement le professeur sur les ondes de Radio-Canada à Toronto en septembre 2016.
Un remède au système
Eric Touchburn a suivi un cours avec Norman Cornett à McGill en 2001. C’était la première fois qu’il vivait une telle expérience pédagogique. L’ancien étudiant a lui-même connu de nombreuses frustrations avec le système universitaire qu’il jugeait trop rigide. Cette méthode l’a même poussé à décrocher pendant quatre ans. « Je considère que notre système d’éducation est trop unilatéral, sans émotion ou intelligence émotive, sans conscience. Ces éléments ont été divorcés du curriculum standard », déplore l’étudiant.
Eric Touchburn convient toutefois que ce n’est pas une méthode qui peut être utilisée par tout le monde. « C’est un dialogue ouvert sans réponse absolue où l’enseignement ne repose sur aucune bonne ou mauvaise réponse. […] À cet égard, je ne crois pas que ce soit transférable à toutes les matières. », nuance-t-il.
Le professeur Cornett poursuit aujourd’hui sa carrière à titre de conférencier dans diverses institutions universitaires, tant locales qu’internationales. Il profite aussi de ses temps libres pour proposer ses services d’expert à de nombreux médias, notamment le Montréal Campus avec au moins 45 propositions depuis janvier 2016. « À mon âge, je suis très conscient de l’héritage qu’on laisse, insiste Norman Cornett. J’ai besoin de parler avec les jeunes, j’ai besoin d’un dialogue qui va au-delà de ma génération. L’avenir vous appartient. Je veux donc investir dans l’avenir par l’intermédiaire des étudiants. »
Photo: JASMINE LEGENDRE MONTRÉAL CAMPUS
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