Avec leurs personnages déjantés et construits de toutes pièces, le duo humoristique Les Pic-Bois peut bien se targuer de son unicité sur la scène québécoise. Le groupe hors norme met de l’avant des numéros basés sur une interprétation et un jeu d’acteur loufoques qui viennent chercher l’humour primaire des spectateurs. Ils ont laissé leur univers éclaté derrière eux le temps d’un entretien avec le Montréal Campus.
CE TEXTE FAIT PARTIE DU CAHIER PORTRAITS DE L’ÉDITION DU 5 AVRIL 2017 |
Les humoristes collaborent depuis 2010 à l’une des émissions radiophoniques phare de la station CHOQ.ca, Des si et des rais. Désirant présenter un contenu tout aussi éclaté que sur les réseaux sociaux et sur scène, ils ont choisi de prolonger leur séjour continu sur les ondes de la radio uqamienne plutôt que de migrer vers d’autres stations montréalaises. « Ça nous permet une liberté presque totale, on peut dire tout ce qu’on veut et jouer avec la forme de l’émission, éclairent Les Pic-Bois. Et si on déménage un jour, ce serait sûrement pour une plateforme qui nous offre autant de liberté. »
Assis tout sourire sur les banquettes colorées du Atomic Café, Dominic Massicotte et Maxime Gervais racontent rapidement comment ils sont devenus le duo que l’on connaît à ce jour, entamant leur récit par leur première rencontre en 1997. « On était tous les deux dans le même cours d’anglais en secondaire deux et on devait faire un exposé oral. Ç’a été la genèse de cette belle histoire », relate Maxime.
Les deux humoristes ont ensuite passé beaucoup de temps ensemble à concocter de courts films humoristiques. « On faisait des trois minutes, comme les Chick’n Swell, mais avant qu’ils soient en ondes. On ne les a pas copiés! », souligne le duo. Puis est venue l’impro, et finalement la scène qu’ils apprivoisent depuis 2002, date de leur première participation à Cégeps en spectacle.
Forts de quatre participations à l’émission En route vers mon premier gala Juste pour rire, ils ont ensuite gravi les échelons en développant plusieurs personnages qui font maintenant leur marque de commerce. On peut penser aux moustachus aux gros sourcils de l’Après-Ski Jazz, capables de faire sourire les spectateurs avec des blagues les plus premier degré possible, ou encore le Magicien pervers. « Le Magicien pervers est très suave, très sensuel. C’est juste un magicien, mais la magie n’est pas tant mise de l’avant. C’est un prétexte pour toucher Dom », rigole Maxime Gervais.
Dans la peau d’un autre
Leur utilisation constante de ces personnages, tous plus éclatés les uns que les autres, leur a souvent valu des comparaisons aux Denis Drolet ou à Sèxe Illégal. « Ce n’était même pas réfléchi, ça s’est fait instinctivement, souligne Dominic Massicotte. On ne s’est jamais dit qu’on allait faire de l’humour politique ou de l’humour absurde. On ne peut même pas qualifier notre humour d’absurde, je dirais que c’est simplement notre voix. »
Leur « complice de toujours », Julien Bernatchez, qui participe à l’émission radiophonique Des si et des rais à CHOQ.ca en compagnie de Maxime et Dominic, tient à souligner l’originalité du groupe. « Ce qui est le plus intéressant, c’est que ça ne ressemble à rien d’autre. Personne ne pourrait voler le concept des Pic-Bois. Ils ont des centaines de personnages qu’ils interprètent avec brio et c’est comme de l’absurde-trash-vulgaire-poétique-weird, mais encore là, ce serait trop les résumer », souligne l’humoriste.
Se présenter en tant que personnages nommés Moule et Frite ou vêtus de bottes de ski sur scène comporte toutefois son lot de risques. Les Pic-Bois croient qu’un numéro basé sur l’interprétation de personnages et un numéro de type stand-up posent un risque comparable du point de vue de son accueil, mais à quelques différences près. « Le problème, c’est que nous bâtissons un personnage avec tout un univers et un concept qui peut parfois nous faire pleurer de rire, mais qui, devant public, ne donnera rien », avoue Maxime Gervais en sirotant son smoothie. « On arrivait devant le public et on essayait de le faire passer, mais ça ne passait pas du tout. Dans ces moments, on ne peut pas reposer sur notre charisme, parce que notre personnage n’en a pas du tout », souligne Dominic se remémorant un essai n’ayant pas suscité les rires espérés.
Choquer et réseauter
L’approche du duo apprivoise le style d’humour au premier degré dans toute sa splendeur. À un point tel que leur utilisation de la nudité ou certaines interactions avec le public ont parfois choqué. Le duo donne l’exemple du numéro du Magicien pervers, qui se termine avec Maxime « en bedaine » se faisant fouetter par un membre du public. Maxime et Dominic soulignent malgré tout que, même si certains sont surpris, leur but initial n’est pas de créer ce type de malaise. « Je comprends que ça peut choquer, mais on essaie juste d’être le plus épais possible », justifie Dominic, tout sourire.
Présentant leurs personnages près de 200 fois par année dans des salles de spectacles à travers le Québec, Les Pic-Bois ne se limitent pas qu’à la scène, au contraire. Maxime utilise régulièrement le direct de Facebook afin de souhaiter « bonne nuit de la part du grand seigneur de la nuit ». Le duo exploite aussi YouTube en produisant des vidéos humoristiques et fait également de la radio pour divertir les auditeurs seulement avec la force de leurs mots.
La multiplicité des médiums employés par les deux humoristes ne peut être qu’un atout selon Julien Bernatchez. « Ça démocratise et c’est un passage intéressant pour te faire voir par plein de gens sans te faire censurer. Si on fait un humour qui est bizarre ou assez difficile à expliquer, sur le Web, tu n’as pas à t’expliquer à personne », souligne celui qui s’est fait découvrir entre autres par sa participation haute en couleur à l’émission Un souper presque parfait.
Une porte payante pour le futur
Les Pic-Bois abondent dans le même sens, mettant également de l’avant une incompréhension face à un certain snobisme du Web, qui est maintenant chose du passé. « Je pense que certains [humoristes] étaient très inquiets face à ça, parce qu’ils disaient “Oui, mais tu es une vedette du Web”, comme si ça ne valait rien, clarifie Maxime Gervais. Mais si tu es en train de te bloquer du Web, tu ne vois pas du tout ce que tu manques. »
Pour l’instant, le duo éclaté espère éventuellement pouvoir vivre de son humour. Un accès à la télévision, monde beaucoup plus profitable côté salaire que le Web ou la scène, serait un atout important à posséder selon eux. Ils avouent toutefois que cette difficulté de gagner assez pour vivre de leur humour vient surtout du fait d’être un duo et donc de devoir séparer leurs gains. « Je pense que le choix d’être un duo vient avec la question monétaire. Il y a plusieurs avantages! Si on a fait un mauvais show, on peut être deux à pleurer dans la voiture, on n’a pas à être seul », remarquent-ils.
Le duo polit actuellement un numéro qui sera présenté au festival ZooFest, annonçant qu’il s’agira d’une possible continuation de ce qui a été fait l’an dernier, un spectacle multiplateforme apprécié par la critique qui parodiait le concours Cégeps en spectacle.
Photos: MARTIN OUELLET MONTRÉAL CAMPUS
Dominique Massicotte (gauche) et Maxime Gervais (droite) préparent un nouveau numéro d’humour qui sera présenté au festival Zoofest.
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