Au Québec, plusieurs organismes ont recours au contact comme moyen de contrer la stigmatisation des maladies mentales. Que ce soit par l’entremise de divers groupes de soutien entre des personnes atteintes de troubles mentaux ou avec celles qui n’en souffrent pas, les regroupements québécois qui oeuvrent ainsi seraient des chefs de file en matière de déstigmatisation.
C’est du moins ce que pense le psychologue et chercheur américain Patrick Corrigan, qui a pris la parole à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal le 13 octobre 2016. Ce dernier a louangé le Québec, qu’il considère comme un modèle en matière de déstigmatisation par le contact.
Le chercheur était de passage dans la métropole pour présenter le fruit de ses recherches sur les moyens de limiter la stigmatisation. Il a baptisé son concept TLC, sigle anglais pour contact ciblé, local, crédible et continu. Le concept n’est pas nouveau, et il a déjà a fait ses preuves, notamment au Québec.
L’organisme Revivre, par exemple, chapeaute des groupes d’entraide depuis plusieurs années. « C’est très important. Ça permet de briser l’isolement et les préjugés de violence. Le partage d’expériences positives de rétablissement fait du bien aux autres », affirme son président, Jean-Rémy Provost. Il remarque que, grâce au contact avec des pairs, ceux qui taisent habituellement leurs problèmes s’ouvrent plus. M. Corrigan explique que pour assurer l’efficacité du contact avec les pairs, il faut que les personnes venues parler de leurs maladies mentales apparaissent crédibles aux yeux de leurs interlocuteurs.
Le contact est aujourd’hui facilité par les nouvelles technologies. Revivre , qui tente d’assurer une présence constante sur le web, suggère notamment des capsules-témoignages sur Internet. C’est un moyen de plus en plus utilisé chez les personnes vivant avec une maladie mentale pour faire un premier contact avec l’organisme. Par la suite, elles seront incitées à consulter un spécialiste et à participer à des groupes d’entraide. Jean-Rémy Provost estime que le contact est plus efficace lorsqu’il se fait en personne et de façon continue, et que la technologie reste un bon moyen de rejoindre les jeunes plus tôt. « Plus on détecte rapidement les maladies, mieux c’est. 50 % des diagnostics de maladies mentales ont lieu avant 14 ans », soutient M. Provost.
Il peut être difficile pour un jeune atteint de maladies mentales de s’afficher au grand jour. Plusieurs ont peur d’être discriminés à l’école. Patrick Corrigan dénonce la façon dont les médias parlent des personnes atteintes de maladies mentales. Dans 40 % des cas, elles seraient montrées comme des personnes dangereuses. Une perception tendancieuse puisque « les gens malades sont 2 à 4 fois plus susceptibles d’être victimes de violence que de commettre des gestes violents », clarifie Jean-Rémy Provost.
Des stéréotypes loin d’être inoffensifs
En plus de faire peser un malaise en présence de personnes atteintes de maladies mentales, les préjugés rendent difficile l’accès à l’emploi. La discrimination est coriace, même dans le milieu de la psychologie, alors qu’on remarque fréquemment des traitements inutilement coercitifs selon M. Corrigan. Jean-Rémy Provost fait écho à ces propos. « Dans la santé, il y a beaucoup de préjugés. Pour quelqu’un qui travaille de ce domaine, ce n’est pas évident d’en parler. La maladie mentale est également un tabou dans les sports masculins parce que ça enlève le côté viril », juge M. Provost.
M. Corrigan explique qu’il n’y a pas que les préjugés des autres. Il y aurait également ceux que les personnes atteintes s’imposent à elles-mêmes : l’autostigmatisation. Il est fréquent d’entendre: « Je n’en vaux pas la peine », « Je ne serais jamais capable », ou ce genre de discours démontrant un faible niveau d’estime de soi. À force d’entendre parler négativement des maladies mentales, les gens qui se font diagnostiquer n’ont pas l’impression que c’est possible de s’en sortir résume le psychologue.
Concevoir un futur différent
Un revirement de situation ne semble pas si extravagant. Patrick Corrigan a émis à plusieurs reprises des parallèles avec la communauté gaie. Auparavant victime de stigmatisation, la communauté LGBT est maintenant moins exclue et les stéréotypes ne sont plus aussi présents, ce qui était impensable il y a quelques décennies. Cette transformation a débuté grâce à des gens, connus ou pas, qui ont brisé le silence sur leur homosexualité. Comme l’explique le chercheur, cela a fait en sorte que la nouvelle génération a grandi en côtoyant des professeurs, des membres de la famille, qui assument leur identité sexuelle. « Les gais représentent environ 10 % de la population. Environ 40 % de la population a déjà vécu un problème de santé mentale. Imaginer l’impact si tout ce monde sortait du placard en même temps! » lance Patrick Corrigan. Le conférencier espère voir un jour les gens atteints de maladies mentales considérés, à juste titre, comme des gens normaux.
Photo: FÉLIX DESCHÊNES MONTRÉAL CAMPUS
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