Mathieu* finira ses études universitaires d’ici quelques mois et il songe sérieusement à mettre en suspens sa future carrière pour aller visiter une partie du monde. Cette histoire, il la partage avec des centaines d’étudiants qui termineront leur baccalauréat, leur maîtrise ou leur doctorat, et qui préfèrent voyager plutôt que d’occuper un emploi peu adapté à leurs besoins.
Près de la moitié des titulaires d’un baccalauréat en 2013 (45 %) occupaient en janvier 2015 un emploi à temps partiel parce qu’ils n’avaient pu trouver un emploi à temps plein, selon une enquête réalisée par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Les étudiants qui arrivent au bout de leur cheminement scolaire ressentent la pression de telles statistiques. Si certains préparent avec une dose considérable de stress leur transition vers le monde du travail, d’autres choisissent de bifurquer vers la voie du voyage, nouvelle tendance populaire chez les jeunes adultes occidentaux.
Mathieu*, après avoir complété son dernier examen en avril, commencera d’ailleurs à travailler à temps plein tout l’été comme serveur. Rien ne sert de postuler un emploi relié à son domaine. Son but durant la période estivale sera d’accumuler le plus d’argent pour quitter le pays le plus longtemps possible.
Les étudiants extirpent l’argent de leur tirelire dans une volonté de se familiariser à d’autres cultures, mais également dans un élan de désillusion envers le marché du travail et l’entreprise classique.
Ne sachant pas trop s’ils trouveront un emploi approprié à leurs besoins ou s’ils apprécient tout simplement leur champ d’études, ces universitaires conçoivent une entrée retardée sur le marché du travail comme la solution ultime.
« Souvent, lorsque les backpackers voyagent pour quelque mois, ils le font dans une période de transition de leur vie », explique Isabelle Lampron dans son mémoire, Le backpacking chez les jeunes adultes : une pratique s’inscrivant dans un processus identitaire ? « De plus, le fait de vivre dans l’instant présent évacue tout questionnement sur l’avenir des jeunes backpackers. Ce questionnement peut être anxiogène pour eux, particulièrement à l’âge où ils doivent faire des choix professionnels. Le voyage peut donc servir de parenthèse nécessaire à une exploration identitaire. »
Nos parents ne veulent toutefois pas encourager cette tendance. Réflexe classique du baby-boomer typique qui vous dira que de partir quelques mois après ses études nuira considérablement à vos chances d’accéder à l’emploi de vos rêves.
Il faut par contre commencer à se poser des questions alors que de plus en plus de diplômés considèrent sérieusement cette option. Est-ce que les étudiants redoutent d’amorcer leur « vie d’adulte » ? Est-ce que la crise identitaire frappe davantage les universitaires? Est-ce que la pression sociale alimente la détermination des jeunes adultes ? Les motivations des voyageurs restent nombreuses, mais elles cachent un problème, celui d’un attachement moins fort envers le plan de carrière traditionnel.
* Nom fictif
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