Il n’est pas inhabituel que mon prénom soit déformé, mal épelé. Un «L» s’immisce au mauvais endroit et un «P» manque souvent à l’appel. Une simple maladresse administrative me surnommera Jean-Philippe l’instant d’une fin de semaine. Pour la majorité des gens et pour moi-même, pas de quoi en faire un plat. Pour d’autres, l’erreur est lourde de sens.
Mathieu a été engagé comme moniteur dans un camp de jour l’été dernier. Le chef d’équipe envoie alors la liste de tous les animateurs avec une photo et une courte description de chacun d’eux à l’ensemble de la nouvelle équipe. Sous sa photo, il est inscrit «Marie-Pierre». Le jeune étudiant est consterné. Une semaine avant l’incident, il avait pourtant pris soin d’expliquer à son patron que son processus de changement de sexe était entamé depuis plusieurs mois. L’espace d’un instant, son univers s’est écroulé. Il devait tout reconstruire.
Carte d’assurance-maladie, permis de conduire, acte de naissance. Si tous ses documents officiels le nomment «Marie-Pierre», au fond de lui, il est clair que sa vraie identité, c’est Mathieu. Dans une longue lettre, il explique à ses collègues son processus, ses motivations. Indirectement, il les éduque sur la réalité des transgenres. «Mon corps est celui d’une femme, mais pour tout le reste, je suis un homme comme les autres».
L’histoire de Mathieu et celle d’Alex (à lire ici) sortent certainement de l’ordinaire, mais reste tout de même banale à mes yeux. S’il est encore difficile pour certains d’accepter l’idée qu’un humain naisse homosexuel, imaginez alors l’ampleur du défi pour leur faire comprendre qu’un individu peut naître dans le mauvais corps. Non, ce n’est pas de la magie noire, mais la nature qui joue des tours.
Un autre reportage sur le sujet a été diffusé une journée avant celui du Montréal Campus. Comme quoi, c’est dans l’air du temps d’en discuter. Publié sur les réseaux sociaux, l’article a créé la polémique. Si certains internautes ont salué «la fin d’un tabou», d’autres ont qualifié l’article de «troublant». Quelques-uns se sont aventurés plus loin en établissant des liens tordus avec «la recrudescence de l’homosexualité», «le dérèglement psychiatrique» et même avec la «trop grande consommation d’OGM». La transphobie, ça vous dit quelque chose?
Pas de pupitre pour toi
Inacceptable. C’est le mot qui m’est venu en tête lorsque j’ai appris qu’un élève transgenre s’est vu refuser le droit d’étudier dans cinq écoles avant d’en trouver une qui daigne bien lui ouvrir ses portes. Je ne crie pas automatiquement à l’intolérance, mais je souligne à gros traits le manque flagrant de formation du corps professoral au Québec. Qu’on le veuille ou non, les jeunes s’éveillent de plus en plus tôt à leur identité de genre. Au lieu de claquer la porte à cette réalité, mieux vaut la prendre au sérieux et l’encadrer adéquatement.
Les enfants transgenres, ce n’est pas nouveau. S’il y en a aujourd’hui, il y en a depuis toujours. Pourtant, ce n’est depuis que quelques années que le concept « d’identité de genre » est davantage médiatisé. Et ça fait jaser matante et mononcle, pas toujours d’une manière positive.
Il y a eu ces époques où les noirs et blancs ne fréquentaient pas les mêmes restaurants, où les homosexuels étaient «tous des malades» et où les femmes n’étaient que de simples ménagères. Des années plus tard, on souligne la stupidité dont ont fait preuve certains de nos ancêtres.
L’exclusion et la stigmatisation des transgenres s’inscrivent pourtant dans la même lignée.
Dans cinquante ans, ce sera peut-être nous, les idiots…
Louis-Philippe Bourdeau
Chef de pupitre Société
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