«Quand on est jeune, on a des matins triomphants», écrivait Victor Hugo.
Le jeudi 22 mars 2012 restera une date à jamais gravée dans l’imaginaire québécois, alors que plus de 200 000 personnes envahissaient les rues de Montréal pour, justement, faire triompher la cause étudiante.
Si je parlais de grève générale illimitée comme un simple acte de revendication étudiante qui ne fait que commencer dans une précédente chronique, aujourd’hui, la chanson n’est plus la même. La hausse des frais de scolarité – une majoration de 1625 $, répartis sur cinq ans – est devenue un vrai débat de société, redonnant à l’éducation la place qu’elle mérite: sur la table de négociation.
Le hic? Le rendez-vous semble avoir été manqué d’après les propos de notre chère ministre de l’Éducation, Line Beauchamp. Lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, elle a été on ne peut plus claire. Qu’ils soient 200 000 ou non, aucune négociation n’est prévue à l’agenda. Sa raison? Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de le Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante, aurait cassé les lunettes de sa secrétaire et «d’un point de vue personnel, je trouve cela difficile de rencontrer quelqu’un [qui a fait ça]». L’ironie est à son comble ici! Quand on pense que c’est elle notre ministre de l’Éducation, notre «gardienne de l’accessibilité aux études». Avec cet argument solide, Mme Beauchamp n’est pas différente des anti-grévistes à l’attitude nombriliste du Mouvement des Étudiants Socialement Responsables du Québec.
Après cinq semaines de grève générale illimitée, mon opinion a changé radicalement. À vrai dire, je suis un manifestant tout frais. Voyez-vous, je ne fus pas toujours pour la grève et contre la hausse. Selon moi, les coffres de nos universités ont définitivement besoin d’être remplis et les volets enseignement et recherche méritent qu’on y investisse du temps… et de l’argent. Ainsi, la gratuité scolaire n’est pas une option pour moi.
Seulement, cher lecteur, après cinq semaines de cours loupés, de manifestations éclairs, de blocages de ponts et j’en passe, nous – étudiants et jeunes rêveurs d’une utopie pédagogique – sommes les grands perdants. Nous sommes victimes d’un mutisme persistant de la part du gouvernement Charest.
Une société démocratique qui se respecte se doit d’écouter la voix de son peuple, de sa jeunesse. En restant sur sa position – ou du moins, en refusant d’ouvrir le débat –, le pouvoir en place humilie sa jeunesse. Or, un gouvernement dit égalitaire ne peut pas ignorer une mobilisation de cette envergure.
C’est à se demander si le brouhaha fait par les 200 000 personnes jeudi dernier n’était pas assez puissant pour être entendu par M. Charest? Il ne me semble pas judicieux par les temps qui courent d’ignorer et de mépriser ses étudiants.
Au lendemain des diverses actions entreprises par les associations étudiantes dans le but de faire reculer – en vain – le gouvernement, la question qui se pose ne serait plus nécessairement en lien avec la hausse des frais de scolarité. En réalité, la scission entre le gouvernement libéral et la population étudiante n’est-elle pas la répétition générale du divorce entre la population québécoise et le leadership de M. Charest?
Ewan Sauves
Chef de pupitre Société
societe.campus@uqam.ca
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