“Imagine a world without knowledge”, pouvait-on lire sur la page d’accueil de Wikipedia le 18 janvier dernier. Alors que les discussions continuent aux États-Unis concernant le projet de loi Stop Online Piracy Act (SOPA) – pour la régulation des gouvernements du droit numérique du cyberespace –, l’encyclopédie libre a déclaré une journée de grève complète.
Une JOURNÉE? Genre, 24 heures… 1 440 minutes? La première chose qui me vient à l’esprit, c’est de savoir comment je vais faire cet après-midi, quand le prof va dire le nom de ce personnage dont je n’ai jamais entendu parler avant. D’habitude, en deux clics, me voilà sur Google et Wikipedia vient à ma rescousse. Pas aujourd’hui.
Je m’imagine alors un scénario très probable. Allons-y avec de la caricature pure et simple: des millions de jeunes roulés en boule sur le sol de leur salle de classe, à pleurer et crier pour un accès gratuit à de l’information gratuite. Dure la vie, n’est-ce pas?
Ce piquet de grève numérique m’a fait réaliser à quel point je suis dépendant de l’Internet. Si compulsif que j’ai décidé de faire du droit numérique mon combat au cours des derniers jours. Un statut Facebook pour rallier les gens, un petit article dans mon blogue personnel… à la guerre comme à la guerre, comme on dit.
Le SOPA, c’est n’importe quoi. Si le projet est adopté, il s’agit d’une forme indirecte de censure qui menace l’Internet tel que nous le connaissons. Nous sommes en 2012, bon sang. Avec l’avènement du Web au début des années 2000 et des nouvelles technologies développées chaque jour, nous sommes à un point de non-retour. Vouloir faire passer un projet de loi tel que le SOPA ou son équivalent canadien, soit la «modernisation du droit d’auteur» (mieux connu sous le nom de C-11), c’est insensé. Modernisation? Mon œil.
Une telle proposition – et éventuelle adoption – vient mettre mes convictions en branle. Je suis si habitué aux services que l’Internet offre présentement que peser les avantages sociaux contre les droits de propriété intellectuelle me donne une migraine incontrôlable. Prenons l’exemple d’un fanatique de Star Trek, qui télécharge les épisodes de son émission religieusement. Son objectif est-il de blesser la franchise? Au contraire, il veut favoriser le succès de la série, et non l’atténuer. Pourtant, son acte – illégal – n’aide pas à remplir les coffres de l’émission. Si ce klingon ne paye pas un prix pour télécharger son épisode, il faut bien que quelqu’un ait payé pour le fournir. Nous sommes des enfants de l’Internet et nous avons été pourris gâtés. Depuis son arrivée, il a été question d’assimiler son utilisation, non de la questionner.
Le lendemain de la grève Wikipedia, la fermeture du site de téléchargement populaire Megaupload met le feu aux poudres et sème la zizanie sur la Toile. Sagement allongé sur mon lit, je reçois une alerte Facebook. «C’est la guerre! Ça explose de partout! J’espère que tu suis ça”, me dit un ami de longue date. Sous mes yeux, une guerre mondiale 2.0. Les sites du FBI, du département américain de la Justice, des syndicats américains de l’industrie du disque et du cinéma, ainsi que de l’Élysée en France, ont été la cible des pirates informatiques surnommés Anonymous. Services ralentis, pages non disponibles, notes de musiques subtilement ajoutées à la barre de navigation… des actes dignes d’un bon film d’action.
Mais qui sont ces Anonymous, au juste? Des pirates informatiques, certes, mais surtout des altermondialistes numériques. Sans réelle organisation, il s’agit d’un groupe informel à l’image des indignés de Wall Street. Si à l’automne dernier je n’étais pas 100% derrière les contestataires de ce mouvement planétaire, me voilà à crier tout seul derrière mon ordi, un soir d’école, dans ma maison située au fin fond de l’Ouest-de-l’Île.
Avec le projet de loi C-11 du gouvernement Harper prévu à l’agenda législatif, le Canada n’a qu’à bien se tenir. Avec des mesures semblables à celles du SOPA, la modification de la loi concernant le droit d’auteur obligerait les fournisseurs de services Internet à bloquer des sites précis afin de protéger le marché canadien du téléchargement en ligne. Notre premier ministre est un conservateur, cher lecteur. Veuillez l’excuser. Qui dit conservateur, dit forcément l’adoption de politiques de «deux pas en avant, un en arrière».
Ewan Sauves
Chef de pupitre Société
societe.campus@uqam.ca
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