Bye Bye 2010. Louis Morissette à gauche. Michel Courtemanche à droite. Tous deux à bord d’un véhicule Toyota, judicieusement rebaptisé Totoya. Déjà, on se bidonne. Quel jeu de mot savoureux, presque de l’esprit. Soudain, le paroxysme de l’hilarité: panique à bord. Les freins ne fonctionnent pas. Scène percutante (Percutante, la poignez-vous? Haha, c’est drôle et on rit). Un rappel intelligent des rappels dont a souffert le constructeur. Enfin, la chute: des cris bien sentis, qui culminent vers un slogan habilement remanié. «Breakez moins, stressez plus». Le comble, la vessie explose. La rate se dilate. Les baleines chantent. C’est drôle, c’est drôle et on rit.
Pas un vulgaire remâché de toutes les blagues sempiternelles de mon’oncles à monocles entendus tout au long de l’année. De l’innovation, mes amis. Du grand art. Quelques coups de génie. La blonde de Claude Dubois en nunuche. Vlan dans les dents! Anne-Marie Losique en pétasse. Du culot! Julie Snyder en animatrice énervante énervée. Innovation! Régis Labeaume, nain lobotomisé dont le lexique se résume à «câlique» et «Red Bull». Irrévérence! Stephen Harper en épais. Révolution!!!! C’est drôle, c’est drôle encore et on rit.
Rien dans le maquillage, dans les effets spéciaux, dans les costumes. Absolument tout dans le contenu rafraîchissant. «Des gags drôles qui vont rester dans les mémoires, des clins d’oeil judicieux et intelligents, et une autodérision très payante», comme le soutient Richard Therrien, du Soleil. Ah oui? On se remémora longtemps des prouesses langagières des scripteurs, qui ont entre autres trouvé une nouvelle programmation pour la chaîne Vanessa de la prosaïque Losique. «Deux billes le matin», «Décore ta vulve» et des «Kiwis et des concombres» avec Pénis Reddy. Fallait y penser. La sulfureuse sex-symbol de conclure: «On va présenter en exclusivité de 0 à 1000$, qui n’est pas érotique, mais qui reste quand même une émission de cul.» Peut-être la chaîne a-t-elle une case horaire libre le 31 décembre à 23h00? J’ai une autre reprise à suggérer.
Admettons que le contrat d’un Bye Bye est colossal. Une grosse machine, des textes lus, relus, éludés, l’argent de l’État…des contribuables, donc. De ceux-là, près de 3,5 millions étaient campés devant leur petit écran pour juger si les quelques millions investis (Radio-Canada refuse de révéler le montant exact) allaient leur chatouiller le bide. Laissons de côté la nostalgie malsaine du «C’était bien meilleur avant». Retenons-nous d’énumérer les jongleurs de mots d’un autre temps, ne nommons pas les Cyniques, les Nuls, les Inconnus, Desproges, Coluche, Deschamps, Devos, qui savaient faire de l’humour politique corrosif et intelligent (non, pas tout à fait comme Guy Nantel). Ne nommons pas les plus récents, les Zapartistes, Marc Labrèche ou Infoman, par exemple.
Même en oubliant tout ça, ce qu’il manquait profondément au Bye Bye: des gags. On s’est contenté de parodies, obligeamment vulgaires, et de jeux de mots douteux (à l’exception de On a échangé nos maires, plutôt drôle). Pourtant, l’heure et demi était sous la direction de Louise Richer, directrice de l’École nationale de l’humour. J’ai des amis, pas professionnel du rire du tout, qui me font passer de bien meilleurs soirées. Vous aussi, sans doute.
Ce qui est fantastique, avec Totoya, c’est que les freins défectueux sont remplacés. Ce qu’on fait avec un Bye Bye défectueux? On donne une deuxième chance, probablement une troisième, à son équipe, sans possibilité de remboursement. C’est drôle, très drôle, et on rit.
Charles-Éric Blais-Poulin
culture.campus@uqam.ca
Laisser un commentaire