Uqamiens, soyez sur vos gardes! Des créatures dangereuses circulent sur le campus de l’Université. Elles rôdent près des entrées, parées de foulards aussi orange que les flammes de l’enfer, prêtent à vous empaler avec leurs pancartes. La rumeur veut même que les étudiants qui ignorent leur cri d’avertissement – «respectez nos lignes» – finissent dans les hot-dogs que ces monstrueux syndicalistes mangent parfois.
Ridicule? Pas pour la direction de l’UQAM. Depuis quelques semaines déjà, des agents du Bureau canadien d’investigations et d’ajustements (BCIA) – une firme de sécurité privée composée notamment d’anciens policiers, militaires et membres des services secrets – grouillent sur le campus. Si la plupart se contentent de prêter main-forte aux gardiens de l’UQAM et de surveiller les entrées, d’autres jouent un rôle plus obscur. Dignes d’un mauvais polar, ils filment les professeurs sur les piquets de grève et lors des levées de cours.
À quoi servira ce matériel? L’Université ne cache rien: ces bobines numériques pourraient servir de preuves dans l’éventualité où l’UQAM demanderait une injonction pour empêcher les 900 professeurs en grève depuis le 16 mars de bloquer les entrées.
Car devant l’échec des négociations vendredi dernier, la Direction a fait savoir qu’elle «prendra toutes les mesures nécessaires afin que les étudiants et le personnel de l’UQAM puissent accéder en toute sécurité à leur lieu d’étude et de travail». Cette menace à mots couverts n’a pas échappé au SPUQ. Dès lundi, les lignes de piquetages laissaient passer chargés de cours et étudiants.
Cette stratégie a déjà été appliquée auparavant. Lors de la session d’hiver 2008, l’UQAM avait obtenu une injonction pour empêcher les étudiants de manifester à moins de 100 mètres de l’Université. Les grévistes l’avaient toutefois cherché en occupant – et cassant un peu – les locaux de la direction pendant quelques heures.
Cette année, la situation demeure pour l’instant beaucoup moins explosive. Les incidents se comptent sur les doigts de la main – une étudiante a notamment porté plainte à la police pour voies de fait contre un gréviste – et les professeurs sont, règle générale, assez courtois avec les chargés de cours et les étudiants.
L’UQAM serait tout de même en droit de faire une demande d’injonction si les professeurs décidaient à nouveau de former des lignes de piquetage étanches. Et la Cour supérieure du Québec y donnerait probablement sont aval. Des juges ont déjà souligné – à juste titre – que les piquets de grève sont d’abord et avant tout symboliques. Libre a chacun de les franchir ou d’être solidaire s’il le désire.
Mais l’UQAM aurait tout avantage à éviter la voie des tribunaux. Une injonction ne ferait qu’envenimer et enliser ce conflit qui s’annonce déjà long. Seule la négociation sérieuse permettra de trouver une sortie à l’impasse actuelle, une option que la direction rejette du revers de la main pour l’instant.
Proposition ridicule
L’offre «finale» que l’UQAM a faite au SPUQ la semaine dernière était risible. Elle demandait au syndicat de renoncer à son droit de grève pour un maximum de 12 mois, le temps qu’un comité puisse analyser l’organisation du travail et comparer les ressources professorales de l’UQAM à celle des autres universités. En contrepartie, l’offre proposait une hausse salariale de 4% dès le premier avril – dont un 2% déjà prévu – et l’ouverture de 25 nouveaux postes de professeur en juin 2010.
Attendre encore un an pour faire des études dont les conclusions – l’UQAM manque de profs – sont déjà connues!? Pas surprenant que 90% des professeurs présents en assemblée vendredi aient refusé l’offre de l’UQAM.
Peu de gens auraient envie de patienter davantage alors qu’ils sont sans convention collective depuis 21 mois. Longtemps, la direction a refusé de négocier avec le SPUQ, qui demande une hausse salariale de 11,6% en trois ans et l’embauche de 300 professeurs, sous prétexte qu’elle voulait attendre l’étude de la firme AON sur les conditions de travail dans les universités québécoises. Le rapport, rendu public la semaine dernière, a donné raison aux professeurs de l’UQAM: ils sont sous-payés, à raison de 10%, par rapport à leurs confrères de la province.
Avec ces chiffres, la direction n’a plus de raison pour fuir la table de négociation. Les deux parties doivent mettre de l’eau dans leur vin – comme c’est le cas dans toutes les grèves – et trouver un terrain d’entente qui tient compte de la capacité de payer de l’Université et des revendications du SPUQ.
Laisser un commentaire