Les bas troués de Jean Charest

 

 

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) a dévoilé mercredi des pertes de près de 39,8 milliards de dollars pour l’année 2008, soit 25 pour cent des quelque 155,4G$ que possédait l’organisme public en décembre 2007. La caisse de retraite de la moitié des Québécois est affectée par ces résultats désastreux.

Dans l’espoir de calmer la grogne publique, le gouvernement libéral a déjà annoncé que les dirigeants de la CDP devront expliquer leur piètre bilan devant une commission parlementaire extraordinaire. Cette manœuvre de relation publique n’a qu’un seul but: faire de l’ancien président de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, qui a démissionné en mai 2008, et des autres patrons de la CDP les boucs émissaires de la maille béante qui s’est formée dans le bas de laine des Québécois.

Ces cadres n’ont certes pas fait un travail exemplaire. Les résultats financiers de la CDP sont catastrophiques même en tenant compte de la crise économique. Selon RBC Dexia, le rendement moyen des autres grandes caisses d’épargne du pays sera de – 18,5% pour 2008, loin du – 25% de la CDP.

Mais jeter tout le blâme sur les dirigeants de la CDP serait faux. Comment auraient-ils pu prévoir que leurs paris financiers, dont quelque 13G$ investis dans le papier commercial adossé à des actifs – un produit financier nébuleux en partie responsable de la crise économique – ne seraient pas gagnants? Après tout, ils n’ont fait que respecter la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec selon laquelle les fonds doivent être gérés en «recherchant le rendement optimal».

Cette clause, c’est le gouvernement Charest qui l’a instauré en 2004. Il a toutefois omis d’imposer une limite au risque permis pour obtenir cette abondance de profits. Un mandat mieux défini et plus prudent aurait permis d’éviter la débandade actuelle.

Investir au Québec

Les Québécois devront être patients avant de revoir la couleur des milliards qui sont partis en fumée en moins de 365 jours. Le renflouement de la CDP prendra plusieurs années, d’autant plus que la crise économique n’est pas terminée et que le rendement de la Caisse pourrait demeurer négatif en 2009.

Mais le gouvernement ne doit pas se tourner les pouces en attendant. Il doit revoir la mission qu’il a imposée à la CDP. Historiquement, cette organisation avait le devoir de rechercher le rendement optimal du capital des déposants tout en contribuant au développement économique à long terme du Québec.

Ce rôle de levier économique a cependant été grandement critiqué lorsque la CDP a fait certains placements au Québec jugés trop risqués par plusieurs. C’est notamment le cas des supermarchés Steinberg, une entreprise québécoise en difficulté dans laquelle la Caisse a englouti près de deux milliards au début des années 1990. Cette transaction décriée – ainsi que plusieurs autres – s’est finalement révélée très rentable après coup.

Cela n’a pas empêché le gouvernement Charest de recentrer le mandat de la CDP lors de son arrivée au pouvoir. Bien que le développement économique du Québec figure toujours dans la mission de la Caisse, l’accent est davantage mis sur le rendement.

Les dirigeants en ont alors profité pour investir dans les marchés internationaux – la Caisse a d’ailleurs perdu cinq milliards en 2008 à cause de mauvais placements dans les devises étrangères. Si la CDP avait principalement investi au Québec, la crise n’aurait pas eu autant d’effet, puisque celle-ci a frappé davantage les marchés étrangers – particulièrement les États-Unis – que la Belle Province.

Pour éviter d’autres débâcles, Jean Charest doit aujourd’hui ramener le développement économique au même niveau que la recherche du rendement optimal. L’économie québécoise est de plus en plus diversifiée et une CDP avec un mandat plus équilibré ne serait que bénéfique. D’autant plus que les défis économiques – dont ceux liés à l’environnement – qui attendent la province nécessiteront des capitaux importants. Les fonds de la Caisse – l’épargne des Québécois – permettraient de surmonter ces défis sans confier les rênes de notre économie à des investisseurs étrangers.

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