Ventes de garage
Les ventes de garage fleurissent avec le soleil. Après les nettoyages du printemps et les déménagements de juillet, ces cavernes d’Ali Baba profitent des derniers beaux jours de septembre pour étaler leurs artefacts sur les trottoirs.
«Tu ne sais jamais ce que tu vas trouver, c’est un peu le salon des oubliettes». Chloé Beaulé-Poitras est une habituée des ventes dans les sous-sols d’église. Dès que l’hiver laisse place aux premiers bourgeons, elle part en expédition, avec l’espoir de trouver la perle rare.
Pour les vrais garageux, comme ils se nomment eux-mêmes, une vente de garage est une aventure. Tous ont une petite anecdote sur les objets qu’ils ont dénichés, des plus utiles aux plus farfelus. «Une fois j’ai trouvé un vieil appareil pour dégeler les steaks. Il ne les cuit pas, il les dégèle seulement!» raconte Jean-Sébastien Beaudoin-Gagnon, un des trois fondateurs du site ventedegaragemontreal.com, qui dresse la liste des ventes de garage sur l’ensemble de l’île de Montréal.
«Pour moi, c’est une fouille archéologique dans les objets de notre enfance, explique Chloé. Quand les gens entrent dans mon appartement, je veux qu’ils disent: “Hey! Je m’en souviens de ça!”» Difficile de résister à la tentation quand les prix dépassent rarement les 10 dollars. Entre ses vieilles affiches de tortues ninjas et son cadre holographique de Jésus en fer forgé et qui s’allume – sa plus belle trouvaille – Chloé avoue manquer de place chez elle. D’amateur de ventes de garage à acheteur compulsif, il n’y a qu’un pas. «Dès que j’ai un prétexte pour y aller, j’y vais. Sinon, je m’en trouve un!»
Économique et écologique
Les ventes de garage se révèlent très attrayantes pour les étudiants. «Tu peux meubler ton appartement pour pas cher, indique Christine Doyon, la deuxième du trio de ventedegaragemontreal.com. Même pour les habits, c’est intéressant si tu veux trouver des choses qui sortent de l’ordinaire. Et puis, le vintage est à la mode.» Les électroménagers ne sont pas en reste. «La qualité des produits d’antan est vraiment impressionnante par rapport à celle des produits d’aujourd’hui», rapporte Jean-Sébastien Beaudoin-Gagnon, qui a équipé presque tout son appartement avec de l’ancien.
Acheter usagé permet également d’utiliser de nombreux objets jusqu’à la fin de leur vie utile. «Ça nous fait prendre conscience de l’hyper-consommation d’aujourd’hui, fait remarquer Christine. C’est une manière de donner une deuxième vie à quelque chose qui finirait autrement à la décharge.» Et tout le monde y gagne, soutient François Provencal, le créateur du site Web ventedegarage.ca, qui recense pour sa part les vide-greniers au Québec: «D’un côté, il y a une personne qui se débarrasse de ce dont il ne veut plus et gagne de l’argent et, de l’autre, une qui trouve une utilité à quelque chose qui n’en avait plus pour pas cher.»
Pour Chloé Beaupré-Poitras, qui a étudié en scénographie, les ventes de garage sont même une aide précieuse pour son travail. «Cette ambiance bric-à-brac m’aide quand j’ai besoin d’inspiration. Je trouve ça amusant qu’un objet trouve une deuxième vie dans une pièce de théâtre ou un film!»
Il y a aussi un côté précieux dans l’ancien que l’odeur du neuf ne tolère pas. «Plutôt que d’aller à Dollarama, pour le même prix, il y a une âme qui vient avec les vieux objets», relève Isabelle Darveau, également cofondatrice de ventedegaragemontreal.com.
Réglementation dépoussiérée
Pour beaucoup de garageux, les ventes de garage sont une histoire de famille. «Il y a 25 ans de ça, quand j’y allais avec mes parents, notre point de départ était les poteaux de téléphone le samedi matin, raconte François Provencal. On faisait notre parcours en fonction des annonces et on échangeait les adresses avec ceux qui venaient d’autres quartiers.» Avec leur carte aux trésors, ils partaient alors pour leur tournée jusqu’à midi.
Aujourd’hui, les choses ont quelque peu changé. Placarder n’est plus autorisé et, dans de nombreux arrondissements, les ventes de garage sont réglementées. «Les municipalités sont de plus en plus nombreuses à ne les autoriser qu’une fois ou deux par année, souvent au printemps ou au mois de mai. Ça permet de conserver le cachet d’une vente privée et d’empêcher les dérives trop commerciales, parce qu’une vente de garage, ça ne paye pas de taxes», indique François.
Cela n’empêche pas les étals improvisés d’être toujours aussi populaires. Depuis dix ans, leur nombre est resté stable, entre 7 000 à 11 000 au Québec par année selon François. «Il y a aussi des côtés positifs à la réglementation. Certaines municipalités prennent cela très à cœur, elles se chargent de la publicité et la concentration de vendeurs attire beaucoup plus de monde qu’une vente isolée.»
Victime d’Ebay et de Kijiji?
Alors que le Web prend de plus en plus de place, nombreux sont ceux qui tentent de se débarrasser de leurs fonds de tiroir sur les sites d’annonces et d’enchères en ligne plutôt que sur les trottoirs. Cette nouvelle façon de vendre, moins contraignante, connait un tel succès qu’Ebay est l’un des sites Internet les plus visités au monde, selon l’entreprise d’information sur le Web Alexa.
Mais les habitués des ventes de garage demeurent sans crainte. «Ce n’est pas du tout la même clientèle, indique François Provencal. Ces sites sont davantage pour les collectionneurs et les gens qui savent précisément ce qu’ils cherchent.» Le charme de l’aléatoire disparaît dans ce genre d’achat en ligne et c’est une concession de trop pour les garageux comme Chloé Beaupré-Poitras. «Les achats dans les ventes de garage, ça se fait par coup de cœur, c’est un peu random dans ta vie.»
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