Aller aux toilettes pour chercher des réponses avec son iPhone? Copier des paragraphes provenant d’Internet? À l’ère des nouvelles technologies, tricher est à la portée de tous. Mais depuis deux ans, l’UQAM serre la vis aux fautifs.
En deux ans, les cas de plagiat rapportés ont doublé à l’Université du peuple. Depuis que l’UQAM a durci son règlement en janvier 2009, 351 rapports d’infraction ont été rédigés. Du nombre, 191 étudiants ont subi des sanctions allant de l’échec à un cours à l’expulsion du programme. Malgré son efficacité à punir les contrevenants, la campagne Tolérance zéro sur le plagiat et la tricherie est loin de faire l’unanimité.
Avant la réforme du règlement n° 18 de l’UQAM, les professeurs géraient seuls les cas de tricherie. Ils appliquaient alors des sanctions loin d’être uniformes d’une faculté à l’autre. Plusieurs préféraient laisser passer les filous plutôt que de dépenser temps et énergie à leur courir après. «Ça créait aussi des situations conflictuelles avec les étudiants», souligne la vice-rectrice au soutien académique et à la vie étudiante, Diane Demers. Aujourd’hui, les professeurs et chargés de cours signalent les cas de plagiat au responsable facultaire, en remplissant un rapport à l’aide d’un logiciel. L’étudiant est ensuite contacté quelques semaines plus tard et appelé à se défendre devant le Comité sur l’intégrité académique.
Certains estiment toutefois que la procédure actuellement en vigueur est la cause de nouveaux problèmes. Il en résulte parfois plus de frustrations pour les professeurs puisque c’est un comité qui décide des sanctions. Professeur au Département de communication et 3e vice-président du Syndicat des professeurs de l’UQAM, Jean-Marie Lafortune croit que la campagne Tolérance zéro remplace les relations étudiants-professeurs par un protocole sans empathie. Selon lui, l’enseignant perd le contrôle de la situation une fois les rapports d’infraction entre les mains des membres du Comité. «Le Comité a tendance à appliquer le règlement plus aveuglément et mécaniquement que le ferait l’enseignant», affirme-t-il.
Bien que plus de cas d’infractions soient rapportés, plusieurs professeurs préfèrent malgré tout régler le problème en discutant avec l’étudiant et en privilégiant la prévention plutôt que la sanction. «La détérioration des conditions d’enseignement et d’apprentissage fait qu’on se tourne plus facilement vers des comités institutionnels, déplore Jean-Marie Lafortune. J’ai à peu près deux cas par année. Normalement, j’en parle avec eux et ça mène ces étudiants vers de nouvelles pratiques. Pour moi, la négociation est une meilleure option que d’envoyer les cas au Comité.»
À quelle porte cogner?
Laissés pantois face aux procédures, 23 étudiants ont frappé cette année à la porte de Muriel Binette, l’ombudsman de l’UQAM. Cette dernière rappelle que beaucoup d’étudiants commettent des infractions par erreur de jugement. «Le plus souvent, le plagiat cache un problème de méthodologie, dit-elle. De manière générale, les étudiants ne comprennent pas pourquoi on les accuse de tricherie.»
Dernier rempart de l’équité uqamienne, Muriel Binette déplore dans son rapport annuel 2009-2010 que les étudiants sont souvent mis au courant plusieurs semaines après le constat d’infraction, une fois convoqués devant le Comité. De plus, la procédure ne prévoit pas que les professeurs avisent leurs étudiants des fraudes commises pendant leur cours. «Même si on veut alléger l’enseignant de sa charge de travail, celui-ci devrait rencontrer l’étudiant pour lui expliquer qu’il a commis une infraction», suggère l’ombudsman.
Les étudiants sont aussi nombreux à chercher conseil auprès de leur association étudiante facultaire. AudeLafrance-Girard, vice-présidente aux affaires académiques de l’Association étudiante de l’École des sciences de la gestion, reçoit régulièrement des étudiants inquiets pour leur dossier académique.
D’après elle, la plupart des cas d’infractions sont banals, mais le protocole reste malgré tout une grande source de stress pour ses membres. «La procédure est lourde, mais elle se doit d’être lourde puisque les vrais cas de plagiat et da tricherie sont des infractions graves», soutient-elle néanmoins.
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Le coût des mauvais coups
En décembre 2008, lorsque la modification du règlement a été adoptée au Conseil d’administration de l’UQAM, le vice-recteur à la vie académique, Robert Proulx, prévoyait un coût d’implantation du système de 60 000 $ en plus d’un coût annuel d’environ 100 000 $. Selon Diane Demers, vice-rectrice au soutien académique et étudiant, 8000 $ sont dépensés annuellement pour la publicité, l’impression et la diffusion de documents.
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Qu’est-ce qu’on risque?
– Mise en probation: mention définitive inscrite au dossier de l’étudiant
– Échec au cours
– Obligation de réussir des crédits additionnels
– Suspension avec mention au relevé de notes
– Expulsion définitive avec mention au relevé de notes
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Nombre d’infractions par année scolaire :
2000-2001 : 57
2001-2002 : 70
2002-2003 : 44
2003-2004 : 147
2004-2005 : 145
2005-2006 : 162
2006-2007 : 196
2007-2008 : 152
2008-2009 : 137
2009-2010 : 351
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