La crise financière menace le marché de l’emploi
Alors que les projecteurs sont braqués sur les plans de sauvetage visant à rescaper la haute finance, les chances d’éviter la crise économique semblent diminuer chaque jour. Montréal Campus s’est penché sur les défis des nouveaux diplômés en temps de récession.
L’effondrement des marchés financiers risque de nuire à l’intégration des jeunes diplômés sur le marché du travail, affirment des économistes rencontrés par Montréal Campus. Bien que certains secteurs connaissent encore une pénurie de travailleurs, d’autres seront frappés de plein fouet par les turbulences économiques.
Même l’appareil étatique pourrait être affecté. «L’embauche dans la fonction publique sera possiblement plus difficile», pense Sylvain Schetagne, économiste principal du Congrès du travail du Canada. Selon lui, l’État pourrait restreindre l’accès à de nouveaux postes pour réduire sa masse salariale.
Jacques Hamel, professeur de sociologie à l’Université de Montréal et professeur associé à l’Observatoire Jeunes et Société, va plus loin dans ses prévisions. «Les emplois dans les domaines de la technologie et des finances, qui sont touchés par la crise, se feront plus rares. Aussi, la concurrence entre les candidats augmentera.» En plus de se battre pour les postes convoités, les nouveaux diplômés devront se plier aux exigences particulières des entreprises qui «recherchent des candidats avec des compétences individuelles acquises hors de l’école», explique Jacques Hamel. Par exemple, le candidat qui parle une langue étrangère ou qui possède des compétences en informatique aura plus de succès à l’embauche.
L’accès au marché du travail pourrait être aussi entravé par les baby-boomers. Sylvain Schetagne avance que la crise retardera d’une ou deux années le départ à la retraite de plusieurs baby-boomers puisque leurs placements et leurs REER ont été affectés dans la tourmente financière des dernières semaines. René Vézina, chroniqueur au journal Les Affaires, croit toutefois qu’une telle situation est peu probable dans le contexte actuel. Selon lui, le ralentissement économique n’est pas suffisant pour forcer les boomers à reconsidérer le moment de leur retraite. Le journaliste ajoute que «le vieillissement de la population est trop grand et que beaucoup de postes sont à combler.»
«Flexploitation»
Plusieurs entreprises et universités promettent aux étudiants des postes avantageux quand ils auront leur diplôme en poche. Pour Jacques Hamel, ce discours ne tient pas la route. «Des emplois sont créés, admet-il, mais avec quelles conditions? On parle ici d’emplois précaires, alors que l’entreprise fait miroiter de bons postes, semblables à ceux des baby-boomers, avec de gros salaires qui font saliver.»
Ainsi, même s’ils sont plus diplômés, plus scolarisés que jamais, les candidats doivent présenter une grande flexibilité devant leur employeur. «On parle de flexploitation, lance Jacques Hamel. L’entreprise exploite les gens sur la base de l’horaire et leur offre des contrats à durée déterminée. Or, l’employeur a des exigences aiguës et oublie vite les services rendus lorsque le travailleur ne satisfait pas pleinement ses exigences.» Sylvain Schetagne reconnaît que les conditions de travail se sont détériorées depuis quelques années et il ne prédit rien de mieux dans les mois à venir. «Un poste à temps plein anciennement occupé par un baby-boomer sera remplacé par un finissant de l’université qui travaille à temps partiel.»
Crise ou pas?
Selon Sylvain Schetagne, le Canada n’est pas encore en crise économique. «Toutefois, nuance-t-il, nous sommes tout de même affectés.» René Vézina est du même avis. «On voit déjà les conséquences. Il y a un ralentissement et des pertes d’emplois dans le secteur manufacturier et dans l’industrie du camionnage et de l’automobile». Ce sont des pans de l’économie qui dépendent beaucoup de l’exportation vers les Etats-Unis, là où se trouve l’épicentre du séisme boursier. Si la crise persiste, «les compagnies de biens et services qui ont beaucoup de contrats aux États-Unis seront touchées, croit René Vézina. C’est rare qu’on achète du nouveau matériel quand on se serre les coudes».
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