Corbo demande le divorce

Le statut de l’UQAM au sein de l’UQ remis en question

Le recteur veut séparer l’UQAM de l’Université du Québec. Une part importante de la communauté universitaire est favorable à cette proposition, mais la partie est loin d’être gagnée.

L’autonomie, ça commence à 40 ans! À la rentrée 2009, l’UQAM célèbrera son quarantième anniversaire et le recteur, Claude Corbo, souhaite offrir l’indépendance à la communauté uqamienne pour l’occasion. Après en avoir fait un élément central de son programme électoral, le recteur élu l’an dernier a réaffirmé sa volonté d’affranchir l’UQAM de la tutelle du réseau de l’Université du Québec (UQ) lors rencontre du conseil d’administration (CA), le 2 septembre dernier.

 

Dans un dossier de réflexion remis aux administrateurs à cette occasion, Claude Corbo estime que le contrôle exercé par l’UQ sur le budget de ses constituantes, dont l’UQAM, entre en opposition avec les ambitions de celles-ci. Le recteur suggère donc d’abolir le pouvoir réglementaire de l’UQ afin que tous les établissements membres du réseau jouissent d’une pleine autonomie et puissent discuter directement avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). L’UQ existerait toujours, mais son rôle serait limité à la coordination de projets communs.

Selon Claude Corbo, le contexte actuel est favorable à la sécession de l’UQAM. La ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, a annoncé pour cet automne le dépôt d’un projet de loi sur la gouvernance qui forcera les universités québécoises à accueillir une majorité de membres indépendants sur leur conseil d’administration.

Or, Claude Corbo affirme que certains aspects de cette loi contredisent la Loi de l’Université du Québec. «Si la ministre va de l’avant avec son projet, elle devra inévitablement envisager des modifications à cette loi», écrit le recteur dans le dossier de réflexion présenté au CA. Il souhaite donc profiter de l’occasion pour faire connaître les demandes de l’UQAM.

Revendication populaire

Jusqu’à présent, aucune proposition sur l’indépendance de l’UQAM n’a été déposée au CA. L’idée du recteur risque toutefois de recevoir un accueil favorable de la communauté universitaire. «Cette réflexion doit être faite, affirme le représentant des professeurs au CA, Jacques Beauchemin. Ce sont des questions pertinentes qui se posent depuis longtemps. Il faut trancher maintenant, c’est le temps ou jamais.»

La relation entre l’UQ et l’UQAM est particulièrement tendue depuis la découverte, en novembre 2006, de l’endettement lié aux investissements immobiliers faits dans l’îlot Voyageur et le Complexe des sciences. Les deux institutions ont eu de nombreux désaccords sur le plan de redressement et l’UQ a imposé plusieurs contraintes budgétaires à l’Université. Le président de l’UQ, Pierre Moreau, avait même menacé d’obliger l’UQAM à présenter un nouveau budget tous les mois.
Selon Jacques Beauchemin, le rôle joué par l’UQ dans la crise financière n’a pas été très positif. «Elle n’a pas été d’un grand secours pour nous aider avec nos problèmes immobiliers. Elle ne nous a pas offert de support non plus. Je crois que la dynamique actuelle vient plutôt entraver nos travaux.»

Le représentant des étudiants au CA, Simon Tremblay-Pepin, partage cet avis, mais il considère que la proposition du recteur ne va pas assez loin pour défendre l’indépendance de l’UQAM. «Certains aspects du projet de loi de la ministre réduisent l’autonomie de l’Université, dont la présence accrue des membres externes au CA. La direction n’a rien proposé pour s’y opposer. Il y a derrière la logique de gouvernance prônée par le gouvernement un climat de suspicion à l’égard des compétences de la communauté universitaire.»


Un divorce à l’amiable?

Malgré un appui solide au sein de l’UQAM, la réflexion du recteur a été accueillie avec peu d’enthousiasme par le MELS. L’attaché de presse de Michelle Courchesne, Jean-Pascal Bernier, réfute l’interprétation de Claude Corbo selon laquelle la Loi de l’UQ devra être modifiée. «Notre projet de loi concerne la gouvernance de toutes les universités québécoises et nous n’avons pas l’intention de revoir le statut particulier de l’UQ à court terme.»

Selon le professeur spécialiste de la gestion des universités, Michel Umbriaco, le MELS ne jugera pas qu’une modification du statut de l’UQ serait dans son intérêt. «Je pense que le ministère ne souhaite pas une décentralisation accrue de ce réseau. Cette institution a été un intermédiaire utile pour contrôler l’UQAM.»

Du côté des constituantes de l’UQ, aucune n’a voulu réagir à l’idée de Claude Corbo. L’UQAM pourrait cependant trouver certains alliés parmi elles. «Presque toutes les composantes du réseau remettent en question le rôle de l’UQ, explique Jacques Beauchemin. Ce n’est pas nous qui avons amorcé le débat. Nous ne faisons que le rejoindre. Notre proposition s’inscrit dans l’air du temps.»

La direction de l’UQ attend, elle aussi, avant de commenter la réflexion du recteur. «Le texte de l’UQAM est encore débattu et il serait prématuré d’en parler puisque pour l’instant, nous ne connaissons pas encore la position officielle du CA», explique la directrice des communications de l’UQ, Valérie Reuillard.

Jacques Beauchemin serait surpris de voir l’UQ accorder l’autonomie à ses membres sans s’y opposer au préalable. Selon lui, l’intervention de l’UQ durant la crise financière de l’UQAM démontre l’emprise qu’elle veut conserver sur ses constituantes. «C’est sûr et certain qu’elle ne va pas nous laisser partir comme ça. Il faut s’attendre à ce qu’elle soumette des objections.»

 

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Historique d’une relation houleuse

Depuis leur création en 1968 et en 1969, l’Université du Québec (UQ) et l’UQAM ont eu plusieurs différents. Une ponction faite par l’UQ dans la subvention de l’UQAM pour assurer le financement des plus petites constituantes a été l’un des principaux litiges entre les deux institutions. En 1989, l’UQAM a obtenu le statut d’«Université associée», qui lui confère une plus grande autonomie par rapport au siège social de l’UQ. Malgré tout, la communauté universitaire a continué à débattre de l’intérêt d’une autonomie uqamienne de façon intermitente. Le scandale financier de l’îlot Voyageur et du Complexe des sciences a ravivé les tensions entre les deux institutions. En novembre 2007, le candidat au rectorat Claude Corbo a inscrit l’autonomie de l’UQAM au centre de son plan d’action.

Et les autres…

L’Université du Québec compte huit autres établissements, soit l’École nationale d’administration publique, l’École de technologie supérieure, l’Institut national de la recherche scientifique, l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, l’Université du Québec à Chicoutimi, l’Université du Québec à Rimouski, l’Université du Québec en Outaouais et l’Université du Québec à Trois-Rivières.

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