Les personnes souhaitant manifester dans les rues de Montréal n’auront désormais plus à remettre leur itinéraire à la police, à la suite d’un jugement rendu par la Cour d’appel vendredi dernier.
Celui-ci invalide l’obligation de fournir au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) « le lieu exact et l’itinéraire, le cas échéant, d’une assemblée, d’un défilé ou autre attroupement », tel qu’inscrit à l’article 2.1 du règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l’ordre public (P-6) de la Ville de Montréal.
« La Cour d’appel a dit que l’article 2.1 violait la liberté d’expression et des principes de droit administratif tel qu’il avait été rédigé de façon à forcer tout individu qui se trouve sur le domaine public à avertir la police et, le cas échéant, de donner son itinéraire », explique l’avocate de la défense Sibel Ataogul. La décision a un effet immédiat.
Le défendeur dans cette affaire, Julien Villeneuve, mieux connu sous le pseudonyme d’Anarchopanda, soulève néanmoins la lenteur du processus judiciaire. « Qu’un règlement municipal qui dit qu’un groupe qui se promène à Montréal devrait le dire à la police, et se rendre jusqu’en Cour d’appel pour faire reconnaître que ça n’a pas d’allure, c’est un peu particulier », soutient-il.
Si les personnes habituées aux manifestations n’y avaient pas vu un frein pour descendre dans les rues, la disparition de cette disposition aura un effet plus global pour la population montréalaise. « Ça va devenir plus accessible pour beaucoup de gens qui ne peuvent pas se permettre de prendre le risque d’aller à une manifestation et de recevoir une contravention », analyse l’étudiante à la maîtrise en science politique de l’UQAM Lynda Khelil.
La Cour supérieure du Québec avait invalidé, en juin 2016, l’article 3.2 du même règlement, qui imposait aux manifestants de se présenter à visage découvert. Or, la juge Chantal Masse avait conservé en partie l’article 3.2, en demandant aux organisateurs de manifestations planifiées de faire parvenir leur itinéraire aux autorités. La mesure ne s’appliquait plus aux manifestations dites spontanées.
Le règlement P-6 avait été ajouté par l’administration du maire Gérald Tremblay dans la foulée des manifestations étudiantes du printemps 2012.
Ce règlement a mené à de nombreuses arrestations de masse dans les mois qui ont suivi. « Pendant un certain nombre de temps, on nous encerclait, menottait, emmenait dans un autobus au centre opérationnel, puis on nous relâchait plusieurs heures plus tard », se remémore Lynda Khelil, qui a été arrêté à sept reprises entre 2013 et 2015 en vertu du règlement P-6.
À la suite de ces incidents, plusieurs personnes arrêtées ont intenté des recours collectifs contre la Ville de Montréal.
Vers une solution politique
En campagne électorale, le parti que dirige la mairesse Valérie Plante, Projet Montréal, avait affirmé vouloir abroger complètement le règlement P-6. Même si ses deux articles majeurs ont été invalidés par les tribunaux, certains éléments s’y retrouvent toujours, ce qui le maintient valide.
« On espère que Projet Montréal va avoir le courage politique annoncé pendant les élections d’abroger ce règlement. La solution judiciaire, pour moi, est toujours la dernière à préconiser », indique Sibel Ataogul.
photo: MARTIN OUELLET-DIOTTE ARCHIVES MONTRÉAL CAMPUS
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