Profilage, méconnaissance des enjeux, aucune adresse fixe : la marche à suivre pour les personnes en situation d’itinérance qui désirent exercer leur droit de vote aux élections provinciales est loin d’être sans embûches.
L’Accueil Bonneau, organisme d’aide aux itinérants, détenait un bureau de vote lors des dernières élections municipales de novembre 2017. Ce ne sera pas le cas le premier octobre. « On n’a pas fait de démarches dans ce sens-là, on n’a pas été approché dans ce sens-là », indique le directeur général de l’organisme, Aubin Boudreau.
Intégrer un bureau de scrutin au sein de l’Accueil Bonneau aurait été une occasion pour « que tout le monde puisse jouer son rôle, dans la même place et au même niveau », selon M. Boudreau.
L’agent de relation communautaire auprès des sans-abri pour Élections Canada et militant pour le droit de vote des itinérants Robert Brunet croit que le profilage social est un obstacle réel au vote pour les personnes en situation d’itinérance. « Il y en a qui ne veulent pas du tout du tout croiser le public. Ils se font humilier, ils se font regarder tout croche, affirme celui qui occupe son poste depuis 2008. Ça leur noue l’estomac et ne leur donne pas le goût d’aller voter dans ces conditions-là. »
Pour Robert Brunet, un centre de scrutin ouvert spécifiquement pour les personnes sans domicile fixe pourrait encourager leur participation aux élections. Il a notamment soumis cette proposition au directeur de scrutin de la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve, en vain.
Un toit temporaire
La principale option qui s’offre aux sans-abri est d’utiliser l’adresse d’un organisme pour s’inscrire sur la liste électorale. « Ces gens vont pouvoir compléter une attestation signée de la personne-ressource du refuge ou de l’organisme pour dire qu’ils fréquentent bien ce centre-là », souligne la directrice des communications et des affaires publiques d’Élections Québec, Stéphanie Isabel. Une pièce d’identité est également obligatoire.
Il était possible de se présenter au bureau du directeur de scrutin de la circonscription du secteur les 21, 22, 25, 26 et 27 septembre derniers. Un document expliquant cette démarche a été envoyé aux organismes au début du mois.
Une certaine sensibilisation est donc nécessaire pour interpeller les personnes en situation d’itinérance. Contrairement aux élections fédérales et municipales, les informations semblent moins bien circuler. « Au provincial, ils n’engagent pas de gens. L’information ne se rend pas, déplore Robert Brunet. Il faut bien l’expliquer à l’électeur. D’un autre côté, il faut informer les gens, les intervenants qui travaillent à l’intérieur des organismes. »
Les mains liées
Élections Québec et les organismes d’aide aux personnes itinérantes peuvent difficilement changer les choses de manière concrète pour améliorer l’accessibilité au vote. « La loi électorale, ce n’est pas Élections Québec qui la modifie, [il] doit l’appliquer. C’est seulement l’Assemblée nationale qui est responsable de changer la loi », explique Stéphanie Isabel.
Les centres d’aide mettent toutefois sur pied quelques événements pour informer les itinérants. Ce fut notamment le cas au centre de jour Chez « Pops », où un débat entre candidats était prévu. « Les petits organismes vont souvent offrir de l’accompagnement pour amener les personnes itinérantes voter au centre de scrutin », lance Robert Brunet.
« Ils sont assez informés. Ils suivent les émissions de télé comme nous autres, les nouvelles et les débats dans les centres de jour, dans leurs ressources, ajoute Aubin Boudreau. Ils sont branchés sur l’information. »
Ce dernier estime que les itinérants qui sont en processus de réinsertion sociale sont en partie responsables de faire entendre leur voix. « Je pense que les personnes en situation d’itinérance peuvent aller vers les services. C’est ça qu’on fait en accompagnement dans l’idéal : les amener vers des services de santé, vers les réseaux publics, la même chose vers les bureaux de vote », soutient le directeur général de l’Accueil Bonneau.
Il demeure toutefois ardu d’établir quel est le taux d’itinérants qui parviennent à exercer leur droit de vote.
En 2015, l’organisme Je compte MTL avait dénombré plus de 3000 itinérants dans la métropole. Les résultats de la seconde recension, qui s’est tenue en avril dernier, devraient être annoncés d’ici la fin de l’année.
photo: LUDOVIC THÉBERGE MONTRÉAL CAMPUS
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