La caméra braquée sur l’Afrique

Le festival Vues d’Afrique, actif à Montréal depuis plus de trente ans, s’élève comme le plus prestigieux de sa catégorie en Amérique du Nord grâce aux membres de la diaspora africaine installés en ville, mais aussi grâce à son public d’origine québécoise.

Le 34e festival Vues d’Afrique s’est amorcé le 13 avril dernier sous le thème de la Tunisie. Des journées à thématiques Égypte, Maroc et Algérie ont suivi lors des dix jours de célébrations, un exemple de la place grandissante accordée par le festival aux pays d’Afrique du Nord.

« Les pays d’Afrique du Nord ont une politique culturelle beaucoup plus développée qu’avant, observe la responsable à la programmation du festival Kathleen Barbeau. C’est pour ça que nous avons de plus en plus de films de la région. Nous voulons leur donner une représentativité. »

Le rassemblement printanier annuel roule sa bosse depuis plusieurs décennies déjà. Il s’est depuis établi comme un inévitable pour les amateurs d’art cinématographique des cultures africaines et créoles, mais ça n’a pas toujours été tout rose.

« Il n’y avait aucune information de type culturel sur l’Afrique à Montréal, rappelle le président-directeur général de l’événement, Gérard Le Chêne. C’était vraiment aussi loin que la lune dans les mentalités. »

Un public à rejoindre

Aujourd’hui, le festival fait en partie appel aux membres des communautés africaines de Montréal pour remplir ses salles. Il ne faut toutefois pas sous-estimer l’apport du public québécois, selon M. Le Chêne.

« Assez curieusement, tout le monde est représenté, mentionne le PDG du festival. Nous avons fait beaucoup d’enquêtes sur le public. Ce qu’on pourrait appeler le public québécois de souche est très présent et intéressé à mieux connaître ces cultures. » Le festival mènera d’ailleurs une enquête jusqu’à la fin du festival, le 22 avril, pour en savoir plus sur ses adeptes.

Le cinéma présenté à Vues d’Afrique ne ratisse peut-être pas assez large pour attirer la diaspora africaine, d’après la professeure spécialisée en culture africaine à l’UQAM, Marie Nathalie LeBlanc. « Vues d’Afrique a une programmation plus classique en termes de type cinématographique, analyse-t-elle. Ce n’est pas nécessairement le cinéma le plus consommé dans les régions d’origine. »

L’immigration africaine en Amérique du Nord, et plus spécifiquement au Québec, a tout de même une influence positive sur les foules du festival, selon Kathleen Barbeau. « Nous essayons de proposer des événements qui vont amener les gens de la communauté, mais nous ne voulons pas que ça reste communautaire, explique-t-elle. On veut qu’un Burkinabé soit intéressé à aller voir un film tunisien, et vice-versa. »

Ce sont les jeunes qui sont plus difficiles à séduire, ajoute Mme Barbeau.  C’est pourquoi le festival a mis en place des matinées de visionnement pour les écoles, entre autres.

Faire survivre les salles

Le cinéma en salle fait face à une crise croissante. Les festivals de cinéma doivent donc faire des efforts accrus pour survivre. « Les festivals de musique ont plus de visibilité que les festivals de cinéma, car ces derniers ont tendance à accrocher certaines portions plus particulières de la population », affirme Marie-Nathalie LeBlanc.

Vues d’Afrique conserve une réputation mondiale, et s’élève, selon plusieurs, comme le plus prestigieux de sa catégorie en Amérique du Nord. « Le festival rayonne de façon indirecte, car des gens d’origine québécoise et d’origines autres vont s’intéresser aux pays de leurs amis africains », affirme Gérard Le Chêne.

« Nous voulons présenter le festival comme une expérience, une immersion dans la culture africaine, conclut Mme Barbeau. De sorte que quand les gens viennent, ils n’aillent pas juste voir un film. »

 

photo : ROBIN DROMARD

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