Se serrer la ceinture dans les classes

Des étudiant(e)s en enseignement à l’UQAM témoignent d’un « manque de ressources » lors de stages au secondaire en pleine période de revendications citoyennes sur le financement de l’éducation au Québec.

« [Le problème], ce n’est pas juste un accès aux orthopédagogues. C’est aussi le budget pour les matériels », exprime Guillaume Amice, étudiant de troisième année au Baccalauréat en enseignement secondaire à l’UQAM. Il a décidé d’effectuer ses stages au sein d’écoles publiques défavorisées de Montréal.

Il déplore un « manque de financement » dans les écoles, qui cause des compressions budgétaires dans les activités parascolaires, les voyages et d’autres sorties. « Ça fait extrêmement cogiter les élèves ces sorties-là, ça les stimule au boutte ». L’école et les élèves sont « obligés de faire des levées de fonds pour [financer] ça », ajoute-t-il.

« À Repentigny, par exemple, il y a certaines écoles qui ont dû réduire les activités parascolaires. Avant, c’était gratuit. Maintenant, ça coûte 200 $ pour s’inscrire, donc il y a des enfants qui proviennent de milieux défavorisés qui n’ont pas accès à ça », observe Adam Pétrin, coorganisateur du mouvement citoyen Uni-es pour l’École et enseignant en Techniques de travail social au cégep Marie-Victorin.

Morgane Desroches-Roy est étudiante en troisième année au Baccalauréat en enseignement de l’univers social au secondaire à l’UQAM. Elle s’estime chanceuse d’avoir effectué ses stages, lors de ses précédentes années d’étude à l’UQAM, dans une école publique de Rosemère où elle n’a pas observé de manque de ressources matérielles. Elle a plutôt noté un manque flagrant de technicien(ne)s en éducation spécialisée (TES) et de psychoéducateurs et psychoéducatrices. « Ce que les intervenantes me disaient, c’est qu’il y aurait eu besoin de peut-être deux ou trois TES de plus dans l’école », confie-t-elle.

Volte-face du gouvernement

Une levée de boucliers populaire a mené à la réinjection de 540 millions $ en éducation de la part de Québec en juillet, un montant considéré insuffisant par des mouvements citoyens comme Uni-es pour l’École.

« C’est toute la classe qui va payer le prix, dont l’enseignant », se désole Adam Pétrin. Il explique que l’annonce de restrictions budgétaires de 570 millions $ par le ministère de l’Éducation en juin dernier aurait freiné des centres de services scolaires (CSS) dans leur embauche de TES. En date du 22 septembre, près de 1300 postes au sein du personnel de soutien scolaire étaient vacants au Québec selon le tableau de bord du ministère de l’Éducation. « On reçoit des commentaires de parents qui ont des enfants TSA [trouble du spectre de l’autisme] qui se retrouvent sans services », déplore-t-il. Il explique que c’est l’enseignant(e) qui devra prendre en charge les jeunes qui nécessitent des interventions s’il n’y a pas de TES. Ainsi, l’enseignant(e) « ne pourra pas donner de matière » au reste de la classe, puisqu’il ou elle sera trop occupé(e), selon lui.

Adam Pétrin réclame « une certaine prévisibilité et un réinvestissement massif » en éducation au Québec. « Il y a des milliards qui ont été dépensés dans les dernières années, soit par le fiasco SAAQclic, soit par Northvolt et les baisses d’impôts. […] Souvent l’argument c’est qu’on n’a pas l’argent, mais ce sont des choix politiques », dit-il.

Engouement ou désintérêt des étudiant(e)s?

« Mon stage, ça a vraiment confirmé que [l’enseignement], c’est ce que je veux faire », assure Morgane Desroches-Roy, qui explique aspirer à devenir enseignante pour le contact humain. Elle confesse néanmoins certaines inquiétudes comme la peur de l’épuisement professionnel. Elle craint aussi « d’être une statistique des nouveaux enseignant(e)s qui quittent après trois ans ou cinq ans ».

« Devoir en prendre [plus] sur ses épaules, parce qu’il y a un manque de ressources, de penser que tu étudies pour faire ça tous les jours, c’est sûr que ça crée un petit peu de scepticisme », concède Guillaume Amice. 

Selon le ministère de l’Éducation, plus de 4800 postes d’enseignant(e)s, de personnel de soutien et de personnel professionnel au sein du système scolaire québécois étaient à combler le 25 août dernier avant la rentrée, nombre s’élevant à plus de 2600 le 22 septembre. Yves Chochard, vice-doyen aux études de la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM, demeure néanmoins optimiste. Il indique que l’Université a enregistré en 2025 une centaine d’inscriptions supplémentaires pour les programmes en enseignement par rapport à 2024, alors que celles-ci étaient en baisse entre 2022 et 2024. 

« Je veux travailler pour le Québec et pour le futur du Québec », poursuit Guillaume Amice. « En ce moment, si l’on coupe dans l’enseignement, on coupe dans le futur du Québec ».

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