Chasser et pêcher au féminin

« Tu n’es pas capable de cela, tu ne peux pas y aller toute seule, tu as besoin de moi. » Ce sont des paroles qu’Anie Samson ainsi que plusieurs chasseuses et pêcheuses ont souvent entendues. Elles affirment toutefois que le milieu devient de plus en plus ouvert.

« On est bien accueillies, mais il y a quand même [encore] du sexisme », affirme Anie Samson, une chasseuse de 52 ans et propriétaire d’un atelier de mécanique. Elle raconte que plusieurs de ses client(e)s qui sont aussi chasseurs et chasseuses s’étonnent d’entendre qu’elle chasse fréquemment sans son mari. Ils et elles sont impressionné(e)s qu’elle soit en mesure de se débrouiller toute seule.

Pour Lanwenn Joseph, une chasseuse et pêcheuse de 24 ans,  certains hommes, surtout les plus âgés, ont tendance à vouloir faire certaines tâches à sa place, comme vider un animal, pensant qu’elle ne sait pas le faire.

Toutefois, la jeune femme a étudié en Techniques d’aménagement cynégétique et halieutique au Cégep de Baie-Comeau, qui se penchent sur la gestion de la faune, de la chasse et de la pêche.

« J’en ai eu un [client] qui pensait qu’il s’y connaissait mieux que moi sur une perdrix, par exemple. Et, clairement, il s’est obstiné à me dire : “Non, non, ça, c’est une gélinotte.” Clairement, c’était un tétras. » Bien qu’elle lui ait expliqué avoir fait des études dans le domaine et qu’elle était convaincue qu’il ne s’agissait pas de la bonne espèce, l’homme n’a pas voulu la croire.

Les deux chasseuses affirment que ce sont souvent les personnes plus âgées qui ont ce genre de réflexion.

Un milieu qui s’ouvre

En 2013, Julie Lambert sort son premier long métrage, Un film de chasse de filles. Elle explique qu’il y avait un « besoin de représenter et de démystifier » la place des femmes dans ce milieu. Le film est d’ailleurs lancé alors que la pratique de la chasse chez les femmes devient de plus en plus populaire. La réalisatrice, Mme Lambert, confie avoir reçu plusieurs témoignages de femmes qui, après avoir vu son documentaire, avaient décidé de passer leur permis de chasse ou d’armes à feu.

Il existe, depuis quelques années, plusieurs programmes de chasse et de pêche pour femmes au Québec. C’est le cas de Fauniquement femme, un séjour de chasse et de pêche dédié aux femmes. Il existe aussi, sur les réseaux sociaux, des groupes uniquement pour elles, comme Les chasseuses du Québec.

Mélanie Vigneux, chasseuse de 45 ans et adjointe administrative, souligne qu’il y a maintenant une offre d’équipements de chasse pour femmes, même si l’éventail de produits est plus petit que celui pour hommes. Par exemple, la chaîne de magasins de plein air Sail offrait sur son site Web, au moment où ces lignes étaient écrites, 161 morceaux de vêtements de chasse pour hommes, 58 morceaux unisexes et 28 pour les femmes. Mme Vigneux ajoute qu’il y a maintenant une sélection d’armes à feu adaptées à la morphologie féminine dans certaines boutiques de chasse.

Selon le rapport des retombées économiques des activités de chasse, de pêche, de piégeage et d’observation de la faune au Québec en 2022, les femmes représentaient 15 % des chasseurs et chasseuses, et 12 % des pêcheurs et pêcheuses dans la province.

La passion derrière la pratique

« C’est tellement magique. Tu ressens tellement d’émotions », raconte avec passion Lanwenn Joseph. Elle relate l’une de ses expériences, seule en forêt pendant cinq heures, pour chasser un ours.

« C’est génial, parce qu’au final, tu ne bouges pas. Tu ne parles pas. Tu te concentres sur tout ce qu’il y a autour de toi », décrit Mme Joseph. Ce sentiment de déconnexion avec le quotidien, de paix et de retour à la nature motive aussi Mélanie Vigneux et Anie Samson à chasser.

Mme Joseph et Mme Vigneux aiment aussi la préparation derrière chaque période de chasse et de pêche. La première adore rassembler son matériel pour tenter de prévoir l’imprévisible. Pour la chasse, les deux femmes aiment préparer leur terrain en y mettant notamment du sel pour attirer certains gros gibiers, ce qui leur permet de suivre toute l’année l’évolution des bêtes. À l’aide d’appâts, les chasseuses peuvent déterminer la présence ou non de gibiers sur leur territoire de chasse.

Mal vue, la chasse ? 

Lors de la sortie d’Un film de chasse de filles en 2013, la réalisatrice Julie Lambert a reçu plusieurs messages haineux : « Bravo, Madame Lambert, d’encourager des enfants à devenir des psychopathes. »

« On dirait qu’ils ne se rendent pas compte que, quand tu tues un poisson, ce n’est pas grave. Si tu tues, on va dire, un chevreuil, là c’est plus grave, alors que c’est un animal dans les deux sens », explique Lanwenn Joseph.Mélanie Vigneux croit qu’il s’agit d’un manque d’éducation de certaines personnes envers ce loisir. « On est des écologistes beaucoup plus que bien du monde […] Oui, la chasse, c’est un loisir et un plaisir, mais c’est ça qui nous nourrit aussi. C’est ça qui régule les populations [animales] », fait valoir Mme Vigneux.

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