Je suis de cette génération paresseuse qui veut le beurre et l’argent du beurre. Du moins, c’est ce que nous disent nos aîné(e)s. Je porte sûrement des lunettes roses, parce que dans le monde dans lequel je vis, ce n’est pas ce que je vois.
Nos conditions de travail et de vie sont meilleures que celles qu’ont connues nos aîné(e)s, je vous l’accorde. Nous ne travaillons pas 80 heures par semaine à l’usine, nous ne marchons pas 56 km pour aller à l’école et nos cadeaux de Noël ne se résument pas à un sac d’oranges. Est-ce que cela fait de nous une génération ingrate et sans ambition?
Vous dites que oui, qu’il y a des exceptions et que certain(e)s jeunes ont le cœur à l’ouvrage. Ça ne doit être qu’une coïncidence que les dizaines de jeunes que je côtoie au quotidien fassent partie de cette exception.
Quand je regarde mon cercle, je vois des infirmières qui remplissent leurs semaines d’heures supplémentaires, une électricienne qui trace sa place dans un milieu d’hommes, une éducatrice en centre de la petite enfance qui doit jongler avec les surcharges de ratio et un salaire insultant, et j’en passe.
Quand vous dénigrez les jeunes, c’est à elles que je pense. Des travailleuses acharnées, celles que vous qualifiez d’« exception », qui sont témoins du chemin qu’il reste à faire pour améliorer les conditions de travail dans certains domaines.
Alors, dites-moi, la grande majorité dont vous parlez, où se cache-t-elle? Je la cherche, mais ne la trouve pas. Si vous n’avez pas tort, j’imagine que nous ne vivons tout simplement pas dans le même monde.
Et les paresseux et paresseuses de votre âge, ce sont eux et elles, les exceptions de votre génération? Est-ce donc comme ça que ça fonctionne? N’essayez pas de me berner!
N’était-ce pas de la génération X dont parlait Le Nouvelliste dans cette archive de janvier 1982 : « Les dépenses ont quadruplé ou triplé, le personnel n’est pas facile à trouver. Les jeunes ne veulent plus travailler» ?
Et ces jeunes décrit(e)s dans cet article de La Presse publié en 1963, n’est-ce pas vous, baby-boomers : « Les jeunes ne veulent plus travailler. Ils veulent être publiés rapidement, être connus encore plus rapidement » ?
C’est le jour de la marmotte.
Mon but n’est pas de vous blâmer ou de vous pointer du doigt. À travers mes lunettes roses, j’aimerais qu’on accepte collectivement que les temps changent et que le maintien du statu quo n’ait jamais amélioré grand-chose. Parce que oui, il en reste, du chemin à faire.
Ceci étant dit, nous, les gen Z, sommes vites sur la gâchette lorsqu’il est temps de critiquer les anciennes mœurs. On parle souvent de vous comme si nous n’avions rien à retenir de bon de votre époque. On a le « ok boomer » facile.
On va se lancer la balle comme ça encore longtemps? Est-ce que s’entre dénigrer est notre seul moyen de se sentir valorisé(e)s?
Janette Bertrand a récemment fêté ses 100 ans et je crois qu’on a beaucoup à apprendre sur sa manière d’aborder le changement. Depuis ses premières apparitions dans la sphère publique, son but a toujours été de comprendre l’autre, en prônant le dialogue pour qu’on avance, tous et toutes ensemble.
Témoin des diverses luttes et avancées sociales qui ont forgé le Québec depuis les dix dernières décennies, cette femme ne ressent jamais le besoin de vanter son époque à sa descendance.
Enfant de la génération silencieuse, elle a connu des périodes où les conditions de vie étaient bien plus à plaindre que celles que l’on connaît aujourd’hui. Pourtant, ça ne l’empêche pas d’encourager les jeunes, surtout les jeunes femmes, de revendiquer et ne pas se contenter du statu quo. Je ne l’ai jamais vu regarder les nouvelles générations de haut. Je crois d’ailleurs que c’est ce qui fait d’elle une figure influente, encore aujourd’hui.
Je vous propose donc, chers aîné(e)s, qu’on cesse de rejeter les responsabilités de nos échecs les uns et les unes sur les autres. Ce combat entre générations, j’en ai marre.
Avec amour, Justine
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