J’ai commencé à écouter le hockey sur les ondes de RDS, saison 2013-2014, quand j’avais 9 ans. Une année qui est restée dans ma mémoire, grâce au parcours des Canadiens de Montréal en séries éliminatoires et aux performances héroïques de Carey Price.
Si les performances m’ont marqué, je garde aussi une estime des autres éléments de ces soirs de match, comme leurs publicités. Que ce soit le sympathique Serge Savard avec Gestion de patrimoine Assante ou la voix rauque de Dan Bigras pour les camions Ram, ces publicités demeurent engravées dans ma mémoire d’enfant, pas loin derrière les buts spectaculaires de PK Subban contre les Bruins de Boston.
Pour le meilleur et pour le pire, le paysage publicitaire québécois a évolué ces dernières années. Serge Savard et Assante ont laissé leur place pour d’autres compagnies d’assurance et de gestion de patrimoine. Les camions énergivores de Dan Bigras ont quant à eux été remplacés par des camions électriques.
Cependant, une nouvelle joueuse controversée est entrée dans la partie : la publicité de pari sportif. Son entrée s’est vite transformée en invasion. En 2025, quelques années après l’instauration de déréglementations ayant facilité son arrivée, on ne peut tout simplement plus l’éviter.
Mise-o-jeu, le jeu de pari sportif de Loto-Québec, pousse le bouchon encore plus loin, avec la création d’une capsule à l’entracte des matchs pour aviser le public des mises les plus avantageuses à ce moment de la soirée. Ça ne choque personne ?
Je considère que les publicités de pari sportif, en ligne ou pas, n’ont pas leur place aux heures de grande écoute, comme celles d’un match de hockey des Canadiens de Montréal, avec son public de 7 à 77 ans.
Je tiens à préciser que je ne m’acharne pas sur le cas du pari sportif pour promouvoir la prohibition des jeux de hasard. Au contraire, ce n’est pas en les interdisant qu’on le gardera sous contrôle.
Je ne comprends tout simplement pas comment on peut bombarder le public, dont une bonne partie n’est pas en âge de parier légalement, avec les publicités d’un produit au potentiel addictif aussi élevé. Après tout, on ne voit pas de publicités de Marlboro ou bien de HEXO, le géant du cannabis canadien.
La dépendance au jeu n’est pas à prendre à la légère. Magali Dufour, professeure au Département de psychologie de l’UQAM et experte en jeux d’argent, compare cette dépendance à celles liées à des substances. « En termes de sévérité et en termes de souffrance, on pourrait dire que c’est équivalent », explique-t-elle.
Une étude menée par l’Université Rutgers rapportait que 14 % des joueurs et de joueuses pathologiques misant sur le sport ont mentionné avoir des idées suicidaires, et 10 % d’entre eux et elles ont fait des tentatives de suicide.
« Il y a très peu de messages de prévention, pour énormément de promotions. Il y a vraiment un écart important », précise Mme Dufour.
Selon elle, la promotion récente des paris sportifs, particulièrement les capsules de conseil de Mise-o-jeu, créent une fausse impression de contrôle chez le parieur ou la parieuse, mais surtout une banalisation du jeu.
Magali Dufour se préoccupe des conséquences de cette promotion et de cette banalisation sur les mineur(e)s, qui sont particulièrement vulnérables. « On met les jeunes à risque, on leur donne comme idée de “peut-être que c’est facile, donc je peux parier, c’est peut-être une façon de faire de l’argent” », déplore-t-elle.
« On entend ces jeunes [du secondaire] parler de paris sportifs, ce que l’on ne voyait pas il y a 10 ans », raconte l’experte.
Je ne pense pas que l’on puisse continuer de faire une promotion si peu encadrée et nuancée, et croire que la prochaine génération de jeunes s’en sortira indemne.
Laissons nos voisin(e)s, cousin(e)s, petit(e)s frères et sœurs regarder les épopées de Nick Suzuki, Cole Caufield et Lane Hutson dans leur course enlevante pour les séries éliminatoires, sans banaliser l’appât du gain des paris sportifs dans leurs esprits.
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