Bluesky, Mastodon, Pixelfed, Diaspora, Minds : une vague d’internautes migre vers des réseaux sociaux décentralisés afin de fuir la dérégulation des contenus haineux et trompeurs sur les plateformes des géants du Web telles que X et Meta.
« Certains commentaires haineux me semblaient tellement stupides que j’en riais. Franchement ! Mais, pour d’autres, c’est juste frustrant et triste », lance Stéphanie Gélinas, étudiante au Baccalauréat en sociologie à l’UQAM.
Stéphanie se tourne vers Pixelfed, une plateforme similaire à Instagram, pour éviter les internautes aux discours haineux sur le réseau de Meta. Elle attribue ces comportements à un manque d’éducation.
« Le fait qu’on ne puisse pas trop publier de stories sur cette plateforme et qu’on ne se fasse pas bombarder d’information, parce qu’on a moins tendance à scroll dessus, crée une relation plus saine avec elle », explique l’étudiante.
Les autres options de médias sociaux, dont les plus populaires sont Bluesky, Mastodon et Pixelfed, offrent aux internautes un espace dans lequel ils et elles peuvent modeler leur façon d’interagir avec les autres. Ces réseaux sociaux décentralisés – c’est-à-dire hors du contrôle d’une seule entreprise – leur offrent la possibilité de suivre des fils d’actualités personnalisés.
Des habitudes numériques bien ancrées
« Ce qui m’empêche de couper les ponts avec Instagram, c’est que les associations étudiantes, les groupes militants et les influenceurs qui m’intéressent sont encore là-dessus », explique Marilou Pineau, étudiante au Baccalauréat en sociologie à l’UQAM.
Malgré les dérives des médias sociaux traditionnels, plusieurs cybernautes y restent par contrainte. Pour certain(e)s, les quitter entraînerait une perte d’audience ainsi que de liens professionnels et affectifs.
C’est ce qu’Alexandre Coutant, professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, appelle « l’effet club ».
« Disons qu’il y a un bar où vous détestez la musique. Puis, à côté, il y a un bar avec une musique géniale, mais tout le monde se trouve dans le premier bar. Et bien, [on] va vouloir aller dans le premier bar […] parce que ce qu’on veut, au final, c’est voir du monde. »
Des outils de modération renforcés
« J’ai peur que, si tout le monde commence à utiliser ces médias sociaux, des microgroupes haineux y surgissent aussi », craint Stéphanie Gélinas.
Selon Camille Alloing, professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, le climat sociopolitique des plus petits médias sociaux repose sur l’évolution de leurs outils de modération.
« Bluesky en propose des plutôt efficaces actuellement », rapporte-t-il. En plus de posséder une équipe de modération pour détecter et supprimer les contenus illégaux ou non conformes aux règles, la plateforme offre aux internautes la possibilité de masquer des mots ou des identifiants. Il est également possible de bloquer des comptes individuellement ou en groupe via des listes de modération.
Une migration de X vers Bluesky
Une étude de l’Université de Californie à Berkeley publiée dans la revue scientifique PLOS ONE en février révèle une augmentation de 50 % des discours haineux sur X dans les mois suivant son rachat par Elon Musk, en octobre 2022. En effet, le nombre moyen de publications haineuses par semaine avant l’acquisition de Musk était estimé à 2 179, contre 3 246 après.
En réponse à cette dérive, des millions d’internautes ont migré vers Bluesky, dont l’interface est similaire à X.
Depuis les élections présidentielles américaines de novembre 2024, qui ont exacerbé le climat politique tendu de X, Bluesky a attiré plus de 15 millions de nouveaux membres. Selon un message publié sur sa propre plateforme, Bluesky compte désormais plus de 30 millions d’utilisateurs et utilisatrices.
Protection locale et ouverture mondiale
D’après Alexandre Coutant, la perception des discours haineux et des normes conversationnelles varie d’une culture à l’autre.
Se tourner vers des plateformes décentralisées permet aux usagers et aux usagères d’échanger sur un serveur local plus adapté à leur culture, tout en ayant accès à d’autres serveurs internationaux, selon leurs besoins.
À titre d’exemple, M. Coutant cite Mastodon : les internautes québécois(es) peuvent rejoindre « un espace québécois pour favoriser les discussions locales et éviter l’influence de [certains groupes radicaux étrangers] qui pourraient nuire aux débats plus progressistes qu’il y a au Québec ».
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