Guerre commercialeLe sport à l’abri du boycottage

Depuis la menace de Donald Trump d’imposer des droits de douane sur les produits canadiens, une vague de boycottage des produits américains se manifeste au pays. Les équipes sportives américaines seront-elles affectées par un tel boycottage? Il semblerait que non.

« Je peux t’affirmer qu’il n’y aura pas de boycottage des sports américains [de la part des Canadiens], déclare avec assurance l’expert en marketing sportif Ray Lalonde. Les sports américains sont les sports canadiens. Les gens ne vont pas boycotter les sept équipes canadiennes de la Ligue nationale de hockey. »

Un boycottage des équipes américaines serait également surprenant, selon le stratège en communication et en marketing Jean Gosselin. « La frontière n’est pas claire entre ce qui est le sport américain et ce qui est le sport canadien », constate-t-il.

« On va continuer d’encourager les Canadiens de Montréal quand ils jouent contre les Maple Leafs de Toronto, mais pas quand ils jouent contre des équipes américaines? Je ne crois pas », ajoute M. Gosselin.

Un attachement émotif au sport

Un élément à ne pas négliger pour Jean Gosselin est l’attachement des gens envers le sport. « C’est un élément de divertissement et, quand la politique entre dans le divertissement, les gens n’aiment pas ça », indique-t-il.

M. Gosselin spécifie que le divertissement sportif « fait appel à un fort intérêt et à de la passion ». Il serait difficile pour les adeptes de sport de changer leur source de loisirs, croit-il, car les autres possibilités sont quasi inexistantes.

Le boycottage, inutile?

Comme l’explique le professeur en économie du sport à l’UQAM Philip Merrigan, un boycottage des équipes sportives américaines affecterait davantage l’économie canadienne que celle des États-Unis.

« À court terme, ce sont les diffuseurs canadiens qui seraient pénalisés. »

Philip Merrigan

Par exemple, si les cotes d’écoute des matchs de hockey diminuent, les revenus publicitaires des chaînes de télévision canadiennes pourraient être affectés, car ils dépendent de l’auditoire, explique M. Merrigan.

Pour qu’un boycottage des équipes sportives américaines ait un impact chez nos voisin(e)s du sud, cela nécessiterait que ce soit à long terme, voire très long terme. « Les chaînes de télévision [canadiennes] signent leurs contrats avec les ligues américaines sur plusieurs années », affirme Philip Merrigan.

Il faudrait que les cotes d’écoute des matchs sportifs baissent drastiquement et restent basses jusqu’à un non-renouvellement des contrats de diffusion pour que le boycottage se fasse ressentir aux États-Unis, poursuit-il.

« Contrairement à acheter des fraises américaines ou annuler son abonnement à Amazon, boycotter le sport américain a un effet beaucoup moins direct sur les industries américaines », ajoute M. Merrigan.

Les jeunes, mitigé(e)s

Écouter le Super Bowl dans son salon en famille, par exemple, « ne nous soumet pas à une grande pression sociale », constate Philip Merrigan. Dès que les gens sentent le regard des autres sur eux, il y a une plus grande pression de faire partie d’un mouvement de boycottage.

Dans le cas d’un visionnement à la maison, « la pression sociale est pratiquement absente, donc le boycottage sera sans doute inexistant lui aussi », avance M. Merrigan.

« Le Super Bowl, c’est le seul événement sportif non canadien que je regarde », lance Lili Caron, étudiante en communication au cégep du Vieux Montréal. « Mais je l’ai regardé sur une chaîne canadienne, donc je ne crois pas que ça encourage l’économie américaine. »

Selon Clara Léger, adepte de hockey et étudiante en communication à l’Université Concordia, cet événement strictement américain, « ça aurait valu la peine de le boycotter au Canada ».

« Par contre, je trouve que les athlètes en tant que tels ne méritent pas nécessairement de subir ce boycottage », explique l’étudiante. Elle fait notamment référence aux personnes qui ont hué l’hymne national américain à l’affrontement entre le Canada et les États-Unis lors de la Confrontation des 4 nations au Centre Bell.

Si ce sont des entreprises américaines qui bénéficient du soutien du public canadien, pense Clara Léger, le boycottage des équipes sportives est peut-être la bonne chose à faire. « Mais si c’est pour négliger des athlètes américains », elle doute que ce soit une bonne solution.

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