Alimentation émotionnelleUn réconfort éphémère

Manger ses émotions pour se récompenser ou même se réconforter est monnaie courante. Cependant, de sévères répercussions font surface lorsque la nourriture prend le contrôle du quotidien. 

« Je n’avais pas remarqué l’ampleur du problème jusqu’à ce que le médecin me fasse le commentaire. Je me suis dit que peut-être que c’est juste moi qui avais ce genre de comportement, que ce n’était pas trop grave […] », témoigne Jasper Davidson, étudiant(e) en sexologie à l’UQAM vivant avec l’hyperphagie boulimique.

L’alimentation émotionnelle, ou le fait de manger pour faire face à ses émotions, est un phénomène universel. Vouloir manger de la crème glacée après une rupture ou encore se régaler plus qu’à l’habitude pendant le buffet de Noël sont des gestes normaux.

« L’hyperphagie s’est dévoilée pour moi lorsque ça dépassait les limites de mon corps. J’avais l’impression que je ne l’écoutais pas, surtout quand je mangeais dans des contextes où j’étais vraiment émotive », témoigne Marianne Blain, étudiante en développement de carrière à l’UQAM vivant avec l’hyperphagie boulimique.

D’habitude à trouble

La travailleuse sociale spécialisée dans les problématiques touchant l’alimentation Judith Petitpas explique que les troubles du comportement alimentaire sont étroitement liés à l’alimentation émotionnelle. L’accès hyperphagique, ou hyperphagie boulimique, se définit par la présence de rages alimentaires sans méthodes compensatoires. Ces méthodes sont utilisées pour compenser la grande quantité de nourriture absorbée pendant une rage alimentaire par d’autres interventions, par exemple avec des vomissements provoqués ou des exercices excessifs. « À partir du moment où une personne souffre de son alimentation, je pense qu’on peut tranquillement se diriger vers un trouble du comportement alimentaire », renchérit-elle.

Selon la technicienne en diététique et naturopathe Mélissa Fortin, l’habitude devient malsaine lorsque la personne concernée se sent contrôlée par la nourriture.

« La problématique vient quand ça devient systématique, que chaque fois que je vis une émotion, je vais utiliser la nourriture pour la geler »

Mélissa Fortin

La culpabilité alimentaire, l’excès de poids ou la prise de nourriture à des moments inhabituels peuvent être des signes précurseurs d’un recours à cette habitude. 

Contrairement à la faim physiologique produite naturellement par le corps, la faim émotionnelle est dictée par les émotions, explique Judith Petitpas. « C’est souvent des aliments gras, sucrés ou salés que la personne va manger parce qu’il n’y a que ces aliments-là qui peuvent toucher les ondes du plaisir et de la récompense dans le cerveau », ajoute-t-elle.

Du côté médical, une liste de critères et une certaine fréquence des comportements permettent d’obtenir un diagnostic. « Pour entrer dans le trouble de comportement alimentaire, il faut que le comportement soit problématique une fois par semaine depuis au moins trois mois. Il faut que tu répondes à au moins cinq critères dans la liste [du DSM-5] », explique la docteure en nutrition Isabelle Huot.

Conséquences multiples 

Plusieurs répercussions, physiques comme psychologiques, peuvent se manifester et alerter la personne d’un réel problème. « Tout l’aspect digestif, c’est vraiment difficile. J’avais des symptômes physiques, comme de gros maux de ventre après une crise et des maux de tête », explique Marianne Blain, étudiante à l’UQAM.

Elle explique également que l’hyperphagie boulimique lui donnait la preuve directe de la raison de sa prise de poids rapide. La façon dont elle voyait son corps était grandement affectée.

« Je dirais que c’est surtout côté santé mentale et estime de soi que ça a eu plus d’impact, justement parce que j’ai tendance à vouloir manger seul(e) plutôt qu’avec d’autres personnes pour ne pas qu’elles voient mes comportements face à l’alimentation », explique Jasper Davidson.

S’ouvrir pour moins souffrir

« Je pense que de réaliser que tu n’es pas toute seule et d’aller chercher de l’aide, ça m’a vraiment aidée à traiter tous les autres troubles qui viennent avec », se confie Marianne Blain.

« Il y a plein d’autres gens qui vivent ça, et en parler, ça te permet de te libérer de cette culpabilité que tu peux avoir »

Marianne Blain

Mélissa Fortin recommande de choisir un(e) professionnel(le) de la santé ayant une vision bienveillante de l’alimentation. « C’est important de trouver quelqu’un en qui on a confiance, avec qui on peut parler des vraies choses », souligne-t-elle. Selon elle, il est essentiel de « se sentir dans un lieu de confiance pour exprimer tout ce qui en est […] et pour qu’on puisse trouver les bonnes façons de déposer des objectifs qui vont être réalisés ».

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