La pièce de théâtre Whitehorse offre un voyage hilarant dans un monde cinématographique excentrique et déjanté. La comédie réussit à transcender les thématiques sérieuses avec une réalisation à la fois ingénieuse et percutante, offrant au public une expérience mémorable et pleine de surprises.
Lara (Charlotte Aubin) rêve d’une grande carrière d’actrice primée à Cannes. Lorsque l’excentrique réalisateur de renom Sylvain Pastrami (Guillaume Laurin) lui annonce qu’elle a décroché le premier rôle dans son film non conformiste Whitehorse, Lara est donc au septième ciel.
Son bonheur s’étiole rapidement quand Henri (Sébastien Tessier), son petit ami, possessif et en pleine crise, décide de s’opposer à ce contrat. En plus d’être vert de jalousie, Henri reçoit le diagnostic du syndrome de la tortue, une étrange maladie qui allonge et rapetisse ses jambes, ses bras et son cou.
Transmettre le rire du papier à la scène
La comédie Whitehorse, dont la première médiatique avait lieu le 29 novembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts, est basée sur la bande dessinée éponyme publiée en 2015 aux éditions Pow Pow. Samuel Cantin, auteur de ce roman graphique, a contribué à l’écriture des textes de la pièce, accompagné des acteurs Guillaume Laurin et Sébastien Tessier. Se marie à ces textes la réalisation de Simon Lacroix qui, par des décors dynamiques et une direction juste, touche la cible.
Les personnages comiques sont une partie intrinsèque de l’humour de la pièce. Chapeau bas au jeu de Vincent Kim, qui interprète l’ami un peu trop « chill » d’Henri, qui crée un brillant contraste avec le protagoniste en constant état de stress joué par Sébastien Tessier. Mention spéciale à l’interprétation (et aux hilarants rires démoniaques) d’Oscar Desgagnés, qui joue un machiavélique enfant roi prêt à tout pour parvenir à ses fins (ici, devenir un acteur connu).
Ces deux personnages secondaires réussis pourraient être un peu plus présents. On passe de longs moments sans les voir apparaître. Une brièveté qui rend leurs passages d’autant plus précieux et plaisants.
Une bonne partie des blagues se rapportent à l’industrie cinématographique et artistique : travailler avec des réalisateurs extravagants, arrogants et singuliers, jouer avec des enfants acteurs trop ambitieux, auditionner pour des rôles étranges, etc. À en juger par les réactions de la salle comblée en grande partie de membres de l’Union des artistes, lors de la première médiatique, le propos vise juste et parodie une pointe de vérité d’un aspect de la réalité artistique.
Une réalisation à point
La réalisation de Simon Lacroix maintient un haut niveau d’humour tout au long de la pièce, notamment grâce à des changements de décor maîtrisés. En l’espace d’un instant, on passe de l’appartement au parc où se trouvent Henri et son ami : les décors accrochés disparaissent en un rien de temps, l’éclairage change au vert, un son de sonnettes scintillantes marque la transition et les deux acteurs sautent et s’affalent sur le sol, comme s’ils étaient détendus dans un parc.
Le « running-gag » en crescendo du dessin illustrant ce dont aura l’air Henri, quand son syndrome de la tortue s’aggravera, décroche également beaucoup de rires de la part du public. Le « sketch » (le mot étant compris sous ses deux angles sémantiques) se multiplie en taille à chacune des trois apparitions scéniques d’Henri.
Whitehorse réussit à rire de situations sérieuses, évitant à la fois de tomber dans la lourdeur et dans des représentations insensibles ou trop moratoires. La pièce laisse au public le choix de réfléchir – ou non – aux thématiques de relations de pouvoir qui se dessinent dans le milieu artistique, de harcèlement sexuel, de partenaires possessifs et possessives et de l’imminence de la mort. Ces situations graves sont tournées en moments si absurdes et comiques qu’en est oubliée leur gravité.
La pièce de théâtre Whitehorse, mise en scène par Simon Lacroix, est présentée à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu’au 16 décembre.
Mention photo : Danny Taillon
Laisser un commentaire