L’excentricité de Philippe Brach et les moments inattendus de la soirée ont conquis la foule à travers deux heures de spectacle réussies, entre autres grâce à la richesse des arrangements de ses compositions.
En tournée à travers le Québec, le chanteur saguenéen présentait samedi dernier au MTelus son plus récent album, Les gens qu’on aime.
Connu pour repousser les limites du conventionnel en concert, le ton de la soirée est donné avant même que Philippe Brach ne foule les planches. Après avoir aperçu un grand carton avec des remerciements écrits à la main dans l’entrée du MTelus, le vestiaire affiche un tarif de 5000 $ par personne, alors qu’il ne faudra débourser réellement que 3,50 $ pour déposer son manteau. Un élément qui souligne d’entrée de jeu le caractère décalé du musicien.
Peu après 20 h, le rideau se lève et dévoile une vingtaine de musiciens et de musiciennes sur la scène, sans la vedette de la soirée. Philippe Brach opte pour une entrée à travers le public, descendant les escaliers en colimaçon sur le côté du parterre avant de rejoindre le reste des artistes.
Suivant un segment musical au penchant métal entamé par le reste de son orchestre, Philippe Brach débute avec trois morceaux particulièrement forts et populaires de son catalogue, soit Crystel, Last Call et Né pour être sauvage. Le musicien explique avoir délaissé l’idée d’incarner un personnage hautain dans son spectacle, préférant « mettre ben de l’amour dans le show ». La communion entre le public et l’artiste est réussie, et l’abandon du concept initial semble s’avérer plutôt juste.
« Ça faisait longtemps », lance Philippe Brach quelques minutes après le début de sa performance. Plus de cinq ans se sont écoulés entre les parutions de ses albums Le silence des troupeaux et Les gens qu’on aime.
Un ton grinçant
Philippe Brach est connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche. Après l’interprétation de Tic tac, l’ancien lauréat des Francouvertes se permet une critique acerbe du service de distribution de billets Ticketmaster; sur les 45 $ que coûte le billet, plus de 10 $ étaient versés à l’organisation monopolistique américaine.
Le musicien québécois prend aussi pour cible le Canada et le mouvement fédéraliste. Après avoir interprété une version de l’hymne national du Canada en mineur – ce qui le rapproche de la tristesse, contrairement au mode majeur – que l’on peut retrouver sur le plus récent opus de l’artiste, Philippe Brach enchaîne sur son titre Révolution (la chanson). Une paire de morceaux qui traduisent l’esprit nationaliste et provocateur du natif de Chicoutimi.
« On se fait-tu un pays ? », glisse subtilement Philippe Brach entre les deux titres.
L’orchestre du chaos
Dans la vingtaine de musiciens et de musiciennes accompagnant le chanteur sur la scène du MTelus, on retrouve des sections de cordes (violons), de cuivres (trombone et cor français) et de bois (basson et flûte). Le choix est audacieux, mais surtout rare dans des concerts de ce style. La diversité des instruments agrémente habilement des compositions déjà particulièrement riches musicalement, comme Soleil d’automne ou Tu veux te tuer, c’est bien ça ?.
Vers le milieu du spectacle, Philippe Brach quitte la scène et laisse sa place à Anna Frances Meyer, moitié du duo Les Deuxluxes. L’artiste interprète la populaire chanson Et c’est pas fini, accompagnée par les membres du public qui chantent en chœur le succès de la première cohorte de Star Académie. « Ça, c’est notre vision du futur, si vous pensez que ça chie, c’est pas fini, c’est rien qu’un début ! », s’exclame Philippe Brach après avoir terminé le titre d’une manière profondément cynique. Un interlude brillant, et non la seule surprise de la soirée.
Suivant une interprétation d’Alice, l’artiste invite deux membres du public à monter sur la scène. Sous les regards ébahis de la foule, l’une de ces deux personnes s’agenouille et demande en mariage sa compagne. « Y’a-tu quelqu’un d’autre qui veut “hijacker” le show, un accouchement estie », lâche Philippe Brach sous les rires à l’unisson.
Entre deux morceaux, le chanteur profite d’un instant plus calme pour partager que lors de son premier passage sur scène, en 1ère secondaire, l’artiste jouait Le gars d’la compagnie des Cowboys Fringants. Peu de temps après, le jeune garçon de l’époque allait voir le groupe de Repentigny en concert trois soirées de suite. « Chaque personne a son histoire différente avec les Cowboys », émet Philippe Brach. « Merci Karl », poursuit-il, visiblement ému par le récent décès du chanteur des Cowboys Fringants, Karl Tremblay.
Un grain de folie
Les compositions de Philippe Brach puisent autant dans le folk que l’alternatif, et même le bluegrass. Après avoir interprété Dans ma tête, le musicien annonce que le concert tire à sa fin, sous les huées d’un public charmé qui en voulait davantage. Il enchaîne avec Un peu de magie, avant de continuer en rappel sur L’Amour aux temps du cancer, Bonne journée et Le matin des raisons.
Malgré la musique lancée dans les enceintes et les lumières allumées, l’artiste revient pour un second rappel, clôturant brillamment la soirée avec une version improvisée de Rebound, seul sur scène.
La soirée confirme une fois de plus l’importance majeure de Philippe Brach dans le paysage culturel québécois, et à quel point un artiste aussi authentique apporte un vent de fraîcheur sur l’industrie dans la province.
Mention photo : Pierre Langlois
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