Alors que le public s’informe majoritairement sur les réseaux sociaux, les médias québécois sont pénalisés par la récente décision de Meta. Emplis d’incertitudes, des médias numériques sonnent l’alarme et pressent leur lectorat de s’informer directement sur leurs sites web.
« Compte tenu de la décision de Meta de bloquer les nouvelles provenant de sources canadiennes, Noovo Info continue d’encourager les gens à visiter son site web et de s’inscrire à son infolettre pour continuer à recevoir des nouvelles locales, nationales et internationales de ses journalistes », a exprimé par courriel le chef des communications et des relations publiques de Noovo Info, Patrick Tremblay, en réponse aux interrogations du Montréal Campus. « C’est la seule déclaration que nous souhaitons faire à ce sujet », a-t-il ajouté.
M. Tremblay n’est pas le seul à entretenir ce discours à l’égard des décisions prises par certains médias numériques en réaction au blocage de Meta. Urbania, un média reconnu pour ses fortes interactions sur Instagram, a invité sa communauté à se tourner vers d’autres plateformes comme LinkedIn pour continuer à le suivre.
Se réinventer sans Meta
Ces médias ont, depuis plusieurs années, décidé d’orienter leur modèle d’affaires vers un virage numérique important. Au-delà de leurs sites web, les réseaux sociaux faisaient partie intégrante de la manière dont ils diffusaient de l’information. « Les réseaux sociaux jouent une partie dans l’écologie de ces médias, ils sont incontournables », a appuyé le professeur au Centre de recherche en droit public Pierre Trudel. « Il est d’ailleurs étonnant qu’ils soient si peu enclins [les médias numériques] à dénoncer ce qui relève de la censure », fait-il remarquer.
Les médias numériques encouragent la population à consommer l’actualité directement sur les plateformes de nouvelles. « On invite les gens à s’informer à la source. Les gens vont pouvoir sélectionner leurs nouvelles, c’est un véritable buffet choisi par eux-mêmes et non pas par l’algorithme Facebook », a soutenu le responsable de l’information du groupe des Coops de l’information, Marc St-Hilaire.
Alors que les habitudes du lectorat sont déjà bien définies, ce sera un défi de les convaincre de s’informer à la source, selon la chargée de cours à l’École des médias de l’UQAM et spécialiste des réseaux sociaux Nadia Seraiocco. « C’est désormais la course pour former les gens à utiliser d’autres façons de s’informer », précise-t-elle.
Maintenir leur modèle à flot
L’enjeu pour ces médias numériques est de combattre la désinformation qui n’attendait que le blocage Meta pour s’immiscer dans le quotidien des utilisateurs et des utilisatrices du réseau social. Mais d’après Mme Seraiocco, pour pouvoir faire survivre leurs entités, ils doivent aussi se battre sur un autre front. « Comment réussir à financer le travail journalistique quand la plupart des revenus publicitaires se trouvent sur Meta et non sur leur site ? », s’interroge-t-elle.
L’histoire de Métro Média tend à dissuader les médias numériques de se tourner vers des fonds privés. Le journal numérique avait suspendu toutes ses activités le 11 août dernier après que son propriétaire, Michael Raffoul, a mis les clés sous la porte sans explication. « Il faudrait qu’ils mettent en place [les médias numériques] une espèce de régie publicitaire. Un peu comme La Presse s’est convertie en organisme à but non lucratif », émet Nadia Seraiocco.
À l’instar de la plateforme de nouvelles Apple News+, ce type de modèle permettrait la diffusion d’une information validée, pour tous les médias numériques qui désirent voir leur modèle d’affaires rebondir. Le journal Le Devoir et les Coops de l’information se trouvent déjà eux-mêmes sur Apple News+. Autrement, un mur payant qui nécessite un abonnement, comme l’utilisent déjà Le Devoir ou le New York Times par exemple, pourrait permettre aux médias une nouvelle forme de revenu.
Présager la suite
Les solutions envisagées ne sont encore que des ébauches. Mis à part les recommandations à leur lectorat, les médias numériques n’ont pas fait état publiquement de leur position sur la question. Leur silence traduirait une période de réflexion quant à la place qu’ils ont donnée à Meta dans leur fonctionnement. « Cette lutte ne se réglera pas en quelques semaines, on a affaire à une véritable guerre d’usure », estime Pierre Trudel.
Mention illustration : Élizabeth Martineau
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