Bloquer les nouvelles sur les plateformes de Meta, c’est aussi empêcher les artistes de republier les critiques, entrevues et articles qui les mentionnent. Un coup dur pour la promotion des artistes émergent(e)s qui en ont souvent besoin, bien qu’il ne soit pas encore fatal.
« Les articles qui parlent de moi, je les republiais tous sur Instagram pour que ma communauté puisse en apprendre plus sur moi. Avec le gel des nouvelles par Meta, j’ai perdu ce niveau d’interaction et c’est dommage », explique l’artiste musical Fabrice Pilon, connu sous le pseudonyme Meloire.
Le musicien émergent Joseph Boonen indique que, pour lui aussi, Instagram et Facebook sont les plateformes où il rejoint le plus sa communauté. En plus de republier les articles le mentionnant, ce dernier « utilisait Instagram pour partager des articles qui traitent de sujets qui [le] passionnent. Ça [lui] permettait de [s]’engager et d’utiliser la plateforme pour sensibiliser [son] public. »
Le besoin de critique
Nicolas Julien-Gaudry, responsable des médias sociaux et adjoint aux communications au Théâtre Espace Go, note que le partage de critiques théâtrales a un « impact majeur » sur la vente de billets. Selon lui, les critiques journalistiques comptent pour environ 50 % des publications du théâtre sur les médias sociaux. « C’est important parce que ça change de la promotion. C’est essentiel d’avoir l’avis extérieur et neutre des journalistes, qui n’est pas celui de l’Espace Go », ajoute-t-il.
La censure des médias d’information sur les plateformes de Meta empêche le partage des liens qui redirigent directement vers les articles. « Multiplier les clics pour l’usager, c’est multiplier les risques de le perdre en chemin vers l’article », s’inquiète Nicolas Julien-Gaudry.
Ce dernier a aussi « l’impression que les publications faites avec des images qui essaient de recréer les journaux ont un côté moins professionnel. Ça ne battra jamais un lien direct vers le média. »
Les rescapé(e)s de Meta
Marc-André Mongrain, rédacteur en chef du média culturel Sors-tu.ca, indique que plusieurs médias spécialisés ne sont pas victimes de la censure de Meta – ils en bénéficient même. Selon lui, « cela permettra potentiellement aux médias spécialisés d’avoir une plus grande portée en comblant le trou créé par l’absence des grands journaux comme Le Devoir ou La Presse ».
Une pensée que partage Éric Dumais, rédacteur en chef du média spécialisé en culture Bible Urbaine, en notant qu’il est trop tôt pour déterminer s’il y a déjà un impact, mais « que c’est une forte possibilité si rien ne bouge du côté de Meta ». Ce dernier se considère d’ailleurs heureux de pouvoir continuer à publier sur Facebook. « Sans Facebook, on perd un gros morceau. Je ne sais pas comment on ferait si on perdait la page », exprime-t-il. Éric Dumais révèle que pour le dernier mois, Facebook représente environ 2000 clics sur les articles de Bible urbaine. La peur d’être bloqués par Meta dans le futur est aussi un sentiment que les deux rédacteurs en chef partagent.
Certains artistes arrivent à se faufiler à travers les mesures de Meta. Éric Dumais souligne que dans l’industrie culturelle, les artistes émergents s’en sortent le mieux car « les grands médias ne les couvraient déjà pas ou peu, sauf lors d’évènements dédiés comme les Francouvertes ». Parallèlement, Marc-André Mongrain constate que les artistes les plus touché(e)s sont les artistes qui commencent à être plus connu(e)s du grand public et qui ont besoin de la promotion des grands médias.
Des alternatives pour la culture
Le musicien Fabrice Pilon compte quant à lui partager dans sa story Instagram des captures d’écran accompagnées d’étapes précises expliquant comment atteindre l’article sur le web. Ce dernier exprime aussi la peur de perdre les lecteurs et lectrices.
Joseph Boonen pense lui se tourner vers la plateforme TikTok, en mentionnant qu’« utiliser un nouveau média social représente un défi important ».
Éric Dumais et Nicolas Julien-Gaudry mentionnent tous deux LinkedIn, qui est en croissance ces dernières années, comme une alternative potentielle aux plateformes de Meta. Ils partagent également l’opinion que X (anciennement Twitter) a peu de potentiel, car le média social est actuellement en trop grand changement et ne colle pas avec ce dont l’industrie culturelle a besoin – en plus de sa moins grande portée.
Mention photo : Chloé Rondeau
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