Au Québec, chaque personne a généré en moyenne 700 kg de déchets en 2021, selon le plus récent bilan de Recyc-Québec. Cette hausse de 5 % par rapport à 2018 pousse des experts et des expertes à réfléchir à des solutions pour réduire la quantité d’ordures produites au Québec.
Les déchets liés à la construction, la rénovation et la destruction (CRD) sont en hausse de 161 %, tandis que la quantité de matières résiduelles envoyées aux sites d’enfouissement a augmenté de 8 %. Cependant, la baisse de 5 % des déchets municipaux signifie que le portrait du Québec en matière de déchets est loin d’être noir ou blanc.
La présidente-directrice générale de Recyc-Québec, Sonia Gagné, souligne que ce nouveau bilan paru le 26 janvier dernier a été produit en 2021 durant la pandémie, une période qu’elle qualifie de « frénésie de rénovation ». Ce contexte particulier et le manque d’éducation sur le tri des résidus CRD expliquent leur forte croissance, selon la directrice générale.
Taxes et modernisation
Le gouvernement a comme objectif de réduire la production de déchets à 525 kg/habitant(e) en 2025.
Neuf des trente-huit sites d’enfouissement de la province atteindront leur capacité maximale en 2030 et treize autres l’atteindront entre 2030 et 2041, à moins que le Québec diminue significativement sa production de déchets. C’est ce qu’indiquait en 2022 un rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement qui mettait en lumière la piètre performance du Québec sur le plan de la gestion des matières résiduelles.
Pour diminuer la quantité de détritus produite au Québec, de nombreuses initiatives et réglementations sont mises en place au Québec, rappelle Sonia Gagné.
Depuis le 1er janvier 2023, la redevance sur les tonnes de matières envoyées aux sites d’éliminations est passée de 24 $ à 30 $, rapporte la vice-présidente à la performance des opérations de Recyc-Québec, Sophie Langlois-Blouin. Ce montant augmentera de 2 $ par année, sans limite prévue.
Cette taxe vise à « avoir un effet de levier et à influencer à la baisse les quantités de matières [jetables] utilisées », espère Mme Langlois-Blouin. Cette redevance perçue par le gouvernement est ensuite redistribuée aux municipalités afin de financer leurs plans de gestion des matières résiduelles.
La collecte sélective et la consignation seront aussi soumises à des changements. Dès 2025, les entreprises seront responsables de leurs emballages. Les producteurs auront des objectifs sur les taux de récupération et de recyclage de leurs produits à atteindre sous risque de pénalité.
« Les entreprises qui mettent en marché des contenants, des emballages ou des imprimés [journaux, brochures, affiches, etc.] vont être responsables de leur produit du début jusqu’à la fin », affirme Mme Langlois-Blouin. Les producteurs devront établir des partenariats avec des organismes de gestion de matières.
« Si les producteurs sont responsables du cycle entier, ils n’auront pas intérêt à mettre des produits qu’ils ne pourront pas recycler, parce qu’ils seront pénalisés financièrement par des amendes », avait illustré en 2020 Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques.
Actuellement, la réglementation sur la consigne, inchangée depuis 1984, est appliquée seulement sur le contenu des canettes de bière et de boisson gazeuse Ainsi, une eau gazéifiée sans sucre en canette n’est pas considérée comme une boisson gazeuse et ne peut pas être consignée, malgré son contenant consignable.
Recyc-Québec veut agrandir le répertoire de boissons consignables à partir de novembre 2023.
Efforts citoyens
« Le Québec est un terrain fertile pour les projets [en matière de réduction de matière résiduelle] », affirme Sonia Gagné. La présidente ressent les effets des actions citoyennes. « C’est plus facile de changer les choses grâce aux nouvelles exigences de la population liées à l’environnement », soutient-elle.
Des initiatives comme La vague tentent de renverser la tendance des contenants à usage unique. Cet organisme travaille avec plus de 400 commerces québécois pour offrir un service de tasses réutilisables. Ces dernières peuvent être rapportées aux commerçants et aux commerçantes, puis être offertes à nouveau.
Audrey Laliberté, coordinatrice de La vague, est optimiste quant à l’avenir du projet. Elle souhaite que les coûts élevés des produits à usage unique et les nouvelles réglementations poussent les commerces à prendre le virage vert.
Entre optimisme et réalisme
« La responsabilité est partagée entre les citoyens, les industries et le gouvernement », pense Sonia Gagné. Celle-ci croit avec ferveur qu’il faut commencer par réduire notre consommation de plastique à usage unique à la source et « aller au-delà du recyclage [qui à lui seul] ne représente pas la solution ».
La Ville de Montréal vise à atteindre un objectif zéro déchet d’ici 2030. Dès le 28 mars prochain, de nouvelles réglementations interdiront plusieurs types de plastique présents en restauration.
Le professeur de design et expert en écoconception d’emballage Sylvain Allard pense qu’il y a encore du pain sur la planche. M. Allard rappelle l’existence d’options écologiques pour remplacer les emballages non recyclables. Il espère que les industries feront preuve de créativité pour en offrir davantage. Le Québec devra « peut-être faire un deuil sur certains modes de vie qui demandent des produits polluants », ajoute-t-il.
Le professeur soulève la problématique de l’importation au Canada. Malgré les nouvelles mesures, les produits importés, souvent suremballés, ne sont pas soumis à celles-ci et ne sont pas nécessairement recyclables. « Tant que l’on vit avec l’importation, on ne contrôle pas tout, on importe du problème », déplore-t-il.
Mention photo : Camille Dehaene|Montréal Campus
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