Une meilleure représentation pour une pleine réconciliation

Bien que la représentation des communautés autochtones se soit améliorée depuis les dernières années dans les médias d’information québécois et qu’une volonté de réconciliation y soit présente, certaines pratiques journalistiques sont encore jugées coloniales. 

« La représentation autochtone n’est pas suffisante [dans les médias], même si elle est plus nuancée depuis les dernières années. S’il y a des choses positives qui arrivent [dans les communautés], les médias n’ont pas l’impression que c’est d’intérêt public », croit Gabrielle Paul, journaliste innue à Espaces Autochtones, native de la communauté Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

Même s’il y a eu du progrès quant au traitement médiatique des communautés autochtones, ce sont souvent les faits divers qui font les manchettes, selon Guy Bois, chargé de cours à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« La représentation des Autochtones est enfermée dans des stéréotypes et des préjugés puisque l’Histoire est mal enseignée à l’école, et les médias sont le reflet de la société », pense-t-il.

Une arme contre le discours officiel

« Aujourd’hui, on n’accepte plus que les choses soient dites sans nous. On doit être impliqué lorsqu’on parle de nous. On a longtemps entendu un [seul] côté », souligne Mélanie Brière, productrice associée au Studio documentaire de l’Office national du film du Canada (ONF) et membre de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk.

D’où l’importance d’avoir des artisans et artisanes de l’information issu(e)s des communautés autochtones, d’après les intervenants et les intervenantes interrogé(e)s par le Montréal Campus.

« C’est important d’avoir des journalistes autochtones, car ça permet d’être plus critique envers le discours officiel dans les médias », souligne Mme Paul.

Lorsqu’elle était enfant, la journaliste se souvient que les médias avaient rapporté une histoire survenue dans sa communauté, où un homme s’était barricadé chez lui. Elle raconte que la presse décrivait l’individu comme étant armé et dangereux. Du moins, c’est ce que la Sûreté du Québec avait indiqué à cette époque.

« Plus tard, on a appris que l’histoire était beaucoup plus nuancée. Il n’était ni armé ni dangereux. Il y avait des enjeux de santé mentale », complète-t-elle.

Gabrielle Paul ajoute que le fait d’être une journaliste autochtone permet également de voir « des enjeux qui [la] touchent » dans l’actualité.

Prenons l’exemple de l’exploitation des ressources naturelles, dit-elle. « Un dirigeant politique annonce en point de presse qu’il n’a pas l’intention de faire de projet de barrage sur un tel territoire, mais aucun journaliste ne pose la question si ces barrages touchent les Autochtones. C’est forcément un enjeu qui touche les communautés puisque ces barrages se trouvent sur un territoire traditionnel », illustre-t-elle.

Reconstruire une confiance

Cependant, le recrutement auprès des communautés pour faire partie des rangs journalistiques n’est pas une tâche facile, même s’il y a de plus en plus de journalistes autochtones, selon les intervenants et les intervenantes rencontré(e)s par le Montréal Campus.

Outre les barrières imposées par la langue et la distance, il y a celles créées par un manque de confiance. Celui-ci peut s’expliquer par des expériences négatives vécues par des membres issu(e)s des communautés autochtones vis-à-vis de journalistes allochtones par le passé.

« Ce que j’entends par mauvaises expériences, c’est que les journalistes les prenaient de haut, [donc] ils ne se sentaient pas écoutés », détaille Mme Paul.

Pour Mélanie Brière, suivre un protocole pour la cueillette d’informations au sein des communautés est un pas de plus pour rétablir la confiance tout en créant un sentiment de proximité avec elles.

« Si on envoie un journaliste dans un autre pays, il y a un protocole culturel à suivre. C’est la même chose pour les communautés autochtones », croit-elle.

S’informer sur l’Histoire coloniale, s’éduquer sur la communauté qu’on s’apprête à visiter et prendre le temps de rencontrer les gens sur place sont des étapes que Mélanie Brière conseille de suivre pour un ou une journaliste allochtone souhaitant couvrir des enjeux touchant les Autochtones.

« Puis, il faut apprendre aux médias que pour créer une confiance, ça prend du temps. Quand il y a eu des brisures, il faut être patient », ajoute-t-elle.

Inclure pour se réconcilier

Aux yeux de Gabrielle Paul et de Mélanie Brière, la représentation des communautés autochtones se trouve au cœur de la réconciliation.

« La représentation est essentielle à la réconciliation. Les médias ont été, et sont encore, colonialistes. Pour certains, c’est débattable. La réconciliation, c’est aussi de reconnaître que le Canada est une structure coloniale et que les médias en font partie », estime Mme Paul.

« Si on veut aller vers une réconciliation, il faut passer par la représentation à tous les niveaux. Pour ça, il faut des actions », soulève Mme Brière.

Mention photo : Lucie Parmentier|Montréal Campus

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