Parfois, entre rêve et réalité, les membres du corps ne répondent plus, l’émission d’un son devient impossible et une présence dans la pièce est palpable. Tout cela ne relève en rien d’un événement paranormal, mais bien de la paralysie du sommeil, un phénomène biologique reconnu par le milieu scientifique.
« Je m’étais réveillée en plein milieu de la nuit, mais je n’étais pas vraiment réveillée, j’étais encore dans un rêve, raconte Geneviève Béland-Goulet. J’étais dans mon lit et je voyais une forme à ma porte, un genre de personne qui s’avançait vers moi. Je ne pouvais pas bouger et j’essayais de crier sans que ça sorte. » À l’âge de huit ans, la jeune femme aujourd’hui âgée de 22 ans a vécu le premier d’une longue série d’épisodes de paralysie du sommeil, un phénomène qui apparaît entre le sommeil paradoxal, celui des rêves, et le réveil.
« C’est une paralysie qui se produit au moment de l’éveil ou de l’endormissement, donc la personne va être consciente, son cerveau est éveillé, mais le mécanisme qui paralyse les muscles durant le sommeil paradoxal demeure activé », explique le professeur au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Jean-François Gagnon. Selon cet expert en troubles du sommeil, le mécanisme en question est provoqué par les neurones du tronc cérébral, le faisceau de tissu qui relie la moelle épinière au cerveau et au cervelet, qui s’activent pour empêcher les muscles de bouger.
De plus, la paralysie du sommeil s’accompagne souvent d’hallucinations de diverses natures. « Elles peuvent être au point de vue visuel, du toucher et auditif », précise Jean-François Gagnon. Il ajoute qu’elles peuvent également se traduire par « un sentiment de présence ».
Émotions à fleur de peau
L’histoire de Geneviève s’apparente à celle d’une autre jeune étudiante de l’UQAM, Charlie Twigg.
« C’est vraiment difficile de mettre ça en mot, mais c’est comme s’il y avait une présence au milieu de ma chambre. Plus elle avançait, plus elle prenait de la place. Je savais qu’elle allait toucher les murs et que j’allais mourir », raconte Charlie. Son épisode de paralysie nocturne est survenu alors qu’elle avait 16 ans. Cinq ans plus tard, le souvenir reste vif. « Tu penses que c’est la réalité et tu ne peux rien faire, c’est comme regarder un film de sa propre vie », souligne-t-elle.
Charlie se souvient qu’à son réveil, une émotion semblable à celle qu’elle ressent après une crise de panique l’a envahie : « drainée, perdue, tu ne sais plus ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas », ajoute-t-elle.
Selon Jean-François Gagnon, l’épuisement émotionnel qu’a ressenti Charlie est partiellement dû à l’effort effectué pour sortir de la paralysie. D’autre part, « durant les rêves, notre système qui s’occupe du battement cardiaque est suractivé », précise-t-il. Puisqu’en se réveillant d’une paralysie du sommeil, notre cerveau sort d’un rêve, l’expert explique que « l’on est encore dans un état d’excitation et de stress, notre cœur est emballé, notre respiration aussi, c’est comme si l’on venait de courir un sprint. »
Une aura d’étrangeté
Entre 5 % et 40 % de la population connaîtra un épisode de paralysie du sommeil au cours de sa vie, selon diverses études. Toutefois, peu de gens l’expérimentent à répétition, comme Geneviève. Du moins, c’est ce que les spécialistes estiment. La recherche sur la paralysie du sommeil compte encore énormément d’angles morts.
« C’est un phénomène isolé qui apparaît spontanément, juge Jean-François Gagnon. C’est difficile à provoquer en laboratoire. » De plus, il explique que cet événement nocturne a longtemps été associé à des folklores religieux, à des croyances populaires et à des histoires de fantômes, de possessions et de démons. Cette « aura d’étrangeté » laisse le phénomène dans une zone obscure, dit-il.
Une perturbation « banale »
Peu d’actions peuvent être posées pour soutenir les personnes dont le sommeil est perturbé par la paralysie nocturne. Selon Jean-François Gagnon, il suffit « d’expliquer aux gens que même si la paralysie est angoissante, elle est assez banale ».
Un horaire de sommeil régulier et la diminution de consommation d’alcool et de drogues peuvent aussi aider à prévenir les épisodes. Il n’en demeure pas moins que, selon Jean-François Gagnon, la paralysie du sommeil n’est « pas très grave » puisqu’elle n’affecte pas le sommeil à long terme comme peut le faire l’insomnie.
Pour sa part, même si ses nuits ne sont plus affectées par une telle pathologie, Geneviève garde quelques séquelles. « J’ai peur du noir à cause de ça », confie-t-elle.
Illustration de Malika Alaoui
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