Au Québec, les cours à vocation artistique ne prennent pas suffisamment de place dans le système scolaire, et ce, malgré les effets positifs qu’ils engendrent sur le développement des étudiants et des étudiantes.
Quand j’étais au secondaire, j’étudiais dans une école privée sur la Rive-Nord. À mon établissement, il n’y avait pas d’options, ni de concentrations : tout le monde était inscrit au Programme d’éducation intermédiaire (PEI) du Baccalauréat international.
Au fil de mon parcours scolaire, j’ai pu constater qu’on enlevait des cours d’art à notre grille d’horaire de 18 jours, au profit d’autres matières dites « principales ». Des neuf cours d’art que nous avions au premier cycle, seulement quatre en restaient à la fin du secondaire. J’étais écoeurée.
C’est seulement en cinquième secondaire que j’ai eu la possibilité d’ajouter deux autres cours à vocation artistique dans mon cheminement scolaire.
Je me suis toujours demandée pourquoi on nous privait de ces cours qui nous permettaient réellement de nous exprimer. C’est ce sentiment de liberté que l’art me procurait, alors que je me sentais brimée dans d’autres matières.
« Au Québec, on remet sans cesse en question les arts et la culture. Les arts devraient exister de façon équitable dans toutes les écoles », croit le directeur musical de l’école secondaire Joseph-François-Perrault, Éric Levasseur. Celui-ci ajoute que la province « est assez jeune au niveau culturel, et qu’il y a des choix politiques qui doivent se faire. S’il y a plus de culture dans une ville, il va y en avoir dans ses écoles ».
Ce message est même lancé en guise d’avertissement à des futur(e)s enseignants et enseignantes en art, comme il est arrivé à Chloé* durant sa formation universitaire.
« Le discours est que les matières principales sont le français, les mathématiques, les sciences, l’anglais et l’histoire. Les autres ont des miettes. À l’université, il y a des professeurs qui nous ont averti qu’il y a des collègues qui allaient nous dire ça », décrit celle qui enseigne les arts plastiques dans une école secondaire de l’Est de Montréal.
« Une des anciennes directrices de l’école m’a déjà dit que j’enseignais une petite matière », confie Bianka Tremblay, professeure en arts plastiques et en vitraux à l’école Georges-Vanier depuis 15 ans.
Cependant, les nombreux bienfaits de l’éducation artistique sont indéniables, selon l’étude L’art pour l’art ? L’impact de l’éducation artistique menée en 2013 par le Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement. L’art permet aux jeunes de développer une pensée critique, de renforcer la motivation scolaire, d’améliorer des aptitudes sociales et des compétences dans d’autres matières enseignées.
Malgré les avantages de l’éducation artistique, il arrive souvent à Chloé de devoir répondre à la question : « à quoi ça sert l’art? ». « La créativité, tu en as besoin dans toutes les sphères de ta vie. Juste pour ça, c’est essentiel qu’il y ait des arts dans les écoles », répond-t-elle à ses élèves et à leurs parents.
J’étais curieuse de savoir si ce discours de dévalorisation des arts décourageait les étudiants et les étudiantes de poursuivre une formation plus artistique après le secondaire. Dans mon cas, ça ne m’a pas empêché d’appliquer en cinéma à deux reprises.
« Il y a environ 10 ou 15 % des étudiants qui vont s’inscrire en musique aux études supérieures », estime M. Levasseur. Quant à Chloé et à Mme Tremblay, elles remarquent que la proportion des finissants et des finissantes qui décident de s’inscrire dans un programme artistique est minime. « Parmi les 20 jeunes dans mon groupe de cinquième secondaire en multimédia, il y a une étudiante qui a appliqué en design intérieur cette année », souligne Chloé.
Si on regarde les inscriptions à la Faculté des arts de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) depuis les 20 dernières années, le nombre a augmenté. À l’automne 2000, les étudiants et les étudiantes en art représentaient 7,1 % de la communauté uqamienne, alors qu’en 2020, ils et elles constituaient 9 % de la population universitaire, d’après les statistiques du registrariat de l’UQAM.
« Si un jeune décide de poursuivre en art après le secondaire, c’est tant mieux pour la culture », soutient Éric Levasseur.
*Prénom fictif afin de conserver l’anonymat.
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