Le singulier univers artistique d’Andrew Turner

Dans sa nouvelle production, 18 P_R_A_C_T_I_C_E_S, Andrew Turner satisfait l’éventail de ses folies devant l’œil contemplatif de son auditoire. Du 16 au 19 février à La Chapelle Scènes Contemporaines, en collaboration avec Danse-Cité, l’artiste explorait l’insignifiante et colossale habitude qu’est la réflexion. Au rendez-vous, un humour aux notes philosophiques et d’élégantes prouesses technologiques.

Andrew Turner avait réservé la surprise à celui et à celle qui se présentaient à La Chapelle convaincu(e)s d’assister à une prestation dansée. Son spectacle 18 P_R_A_C_T_I_C_E_S comporte quelques séquences mouvementées digne de la formation de danseur du chorégraphe, mais le véritable plaisir du projet réside dans l’exercice de pensée, et la mise en scène à saveur burlesque.

En français, en anglais, en virtuel, en mouvement, et même en verlan : la gamme de langue ne manque pas à l’interprète pour nous communiquer ses fictions. « C’est une shitload d’efforts et de logistiques pas rapport », dit-il lui-même durant sa prestation.

Travailler à l’envers

Le spectacle débute. Sur la scène, Andrew Turner se pose derrière un bureau : télévision, ordinateur portable, cellulaire, haut-parleur et multiples fils s’étendent devant lui. L’artiste chante et s’enregistre, mais dans une langue insaisissable, même par le meilleur des polyglottes.

Ce n’est que plus tard, en voyant la vidéo inversée, que le public saisit l’habileté linguistique d’Andrew Turner. Il chantait la pièce Wayfairing Stranger à l’envers et avec une voix juste, en plus. Cet étrange savoir-faire n’est qu’une des surprises qu’Andrew Turner réserve à son public.

Ce dernier doit toutefois se montrer persévérant lors des premiers instants de la performance. Effectivement, après avoir capté l’attention de l’auditoire avec son charabia chanté, l’artiste tourne dos à l’audience pour se mouvoir en silence.

La cadence de cet exercice s’intensifie lentement. Progressivement, l’interprète ponctue la répétition de ses gestes par un souffle saccadé et puissant. Ces variations radicales donnent le tempo à la narration éclatée de la performance d’Andrew Turner.

Ainsi, la salle emportée par un moment haut en couleur peut parfois se retrouver dubitative devant les performances dansées. Majoritairement exécutées sur un bourdonnement sonore, elles dénotent par leur mélancolie.

Philosopher aussi dans l’absurde

En prime du divertissement visuel, 18 P_R_A_C_T_I_C_E_S offre une relecture de l’Odyssée d’Homère, l’histoire d’un héros de la guerre de Troie qui retourne chez lui, non sans obstacles. Selon Andrew Turner, le protagoniste, Ulysse serait un capitaine raté ayant mené à la mort la totalité de son équipage. Il définit ce personnage comme un homme infidèle et asocial.

L’épopée grecque n’est que brièvement abordée par Andrew Turner, mais son influence est ressentie jusqu’à ce que les lumières s’éteignent et que la salle applaudisse. Les conclusions tirées de la nouvelle interprétation du mythe surviennent même lorsque l’artiste monologue, deux sabres lasers en main et une brosse à balai comme chapeau.

Oui, vous avez bien lu. Des épées Jedi et un casque au style de l’extraterrestre de Looney Tunes accompagnent l’interprète tout au long de son interprétation. Ce sont des détails qui transforment le spectacle en une véritable incursion dans la psyché étonnante d’Andrew Turner.

La frénésie de la salle était palpable à la suite de la performance, signe que les spontanéités de l’artiste ont fait mouche auprès du public, malgré quelques moments étourdissants.

Mention photo Sandra Lynn Bélanger

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