Conjuguer université et sobriété

Pendant que les produits non alcoolisés se multiplient sur les tablettes et que le Défi 28 jours sans alcool bat son plein, des étudiants et des étudiantes qui ont choisi la sobriété depuis plusieurs années se questionnent sur la place de la consommation d’alcool dans la culture universitaire.

Mégane*, étudiante à l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), se considère sobre depuis janvier 2018. Si elle a consommé de l’alcool quelques fois depuis, elle affirme que ces occasions se comptent sur les doigts d’une main. « J’ai décidé de ne plus boire d’alcool, surtout parce que c’était un problème de consommation et de quantité, mais aussi pour les répercussions que ça avait autour de moi, tant au niveau personnel qu’avec les gens autour de moi », témoigne-t-elle.

Selon Mégane, il existe une forme d’influence sociale qui encourage à boire de l’alcool dans le contexte universitaire, même si cette pression n’est pas exercée directement par ses pairs. « Je trouve qu’il y a plusieurs situations ou activités sociales qui sont axées sur la consommation d’alcool », souligne l’étudiante. Elle mentionne en exemple les événements organisés par les associations étudiantes, qui ont souvent lieu dans des bars.

Selon la psychologue spécialisée en dépendance Katia Bissonnette, la consommation d’alcool est souvent banalisée dans la culture universitaire. Elle explique que les étudiants et les étudiantes sont souvent amené(e)s à boire pour décrocher du stress lié aux examens ou encore pour célébrer les fins de session, par exemple. « Une personne qui ne boit pas d’alcool peut facilement se sentir exclue dans ces situations », indique-t-elle.

Mme Bissonnette ajoute que l’alcool peut avoir des fonctions sociales, surtout en contexte universitaire. « Ça facilite vraiment les contacts avec les autres, ça permet parfois d’aller parler à une personne qui nous plaît alors qu’on n’aurait pas le courage de le faire [sans avoir consommé] », illustre la psychologue.

Cet aspect de la consommation d’alcool dans le milieu universitaire constitue d’ailleurs un défi pour Mégane. « C’est comme si l’alcool ça allait de soi, que c’est l’activité à privilégier pour créer des liens, et je trouve ça difficile », soulève-t-elle.

Apprivoiser les réactions d’autrui

Dylan Sutterlin est étudiant en neuroscience cognitive à l’Université de Montréal (UdeM) et il ne consomme que très peu d’alcool depuis environ deux ans. Lorsqu’il le fait, c’est surtout par « accommodement social », parce qu’il n’aime pas particulièrement le goût ni l’effet de l’alcool sur sa santé.

L’étudiant ressent un certain inconfort par rapport aux commentaires et aux questionnements des autres. Il explique que le simple fait d’avoir une cannette de bière à la main, même si elle est vide, permet d’éviter les réactions et les questions des individus présents à une fête ou un événement.

« J’ai remarqué que ça génère souvent des questions quand j’ai les mains vides, raconte-t-il. Les gens vont dire “pourquoi tu ne bois rien?“ ou “il est où ton drink ?” ».

Mme Bissonnette souligne que le fait de rencontrer une personne sobre peut être confrontant pour plusieurs. « C’est confrontant parce que ça défait les automatismes, observe la psychologue. Boire de l’alcool, ça fait partie de la culture d’une certaine façon, alors quand quelqu’un n’y adhère pas, on peut vouloir la confronter ou l’amener à se questionner », explique-t-elle.

Ainsi, croiser la route d’une personne sobre pourrait pousser certains à remettre en question leur propre consommation d’alcool. « Ça peut amener la personne à se questionner sur des choses auxquelles elle n’est pas prête [à faire face], ou la renvoyer à des problèmes qu’elle ne veut pas voir », complète Mme Bissonnette.

Quand alcool rime avec problèmes

Le professeur à l’École de travail social de l’UQAM Jorge Flores-Aranda explique que la consommation d’alcool devient problématique lorsqu’elle engendre des conséquences négatives sur différents aspects de la vie d’une personne. « C’est vraiment à partir du moment où ça génère une certaine souffrance ou des difficultés dans différentes dimensions de la vie », mentionne-t-il.

Selon le professeur, l’alcool est l’une des substances qui causent le plus de ravages au niveau de la santé, mais M. Flores-Aranda souligne qu’il est important de faire la part des choses. « C’est une substance qui est consommée par une grande partie de la population sans que cela n’ait de conséquences négatives ou qu’il n’y ait une consommation problématique », tempère-t-il.

« Quand quelqu’un utilise l’alcool d’une façon récréative, une fois de temps en temps, il n’y a pas de mal à ça », précise aussi Mme Bissonnette. Elle nuance toutefois qu’il est primordial d’être conscient de sa consommation et des fonctions accordées à l’alcool, afin d’éviter que cette substance ne devienne une nécessité.

*Nom fictif pour préserver l’anonymat.

Mention photo Cheyenne Ogoyard | Montréal Campus

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