Interprétée par des finissant(e)s de l’École supérieure de théâtre de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), la pièce de Rachel Graton, La nuit du 4 au 5, aborde le traumatisme des agressions sexuelles et le cheminement de guérison.
Le récit de la pièce est inspiré d’une expérience que l’actrice québécoise Rachel Graton a vécue. « En faisant des recherches, je suis tombé sur le texte de Rachel Graton, qui m’a vraiment beaucoup touché », raconte le metteur en scène de la pièce, Philippe Boutin.
Quand le professeur de l’École supérieure de Théâtre de l’UQAM, Christian Lapointe, l’a invité à monter une pièce avec les finissant(e)s du programme, Philippe Boutin a tout de suite pensé à mettre en scène le texte de Rachel Graton. « C’est un beau défi d’oser s’attaquer à cette thématique qui est d’actualité, qui l’a toujours été, [maintenant] plus que jamais », ajoute-t-il.
Cinq ans après la première représentation qui a été jouée au moment où l’affaire Harvey Weinstein secouait le monde du cinéma, l’œuvre résonne encore aujourd’hui avec le public.
Le tableau de rumeurs
Dans la pénombre, la pièce débute lorsque l’agression se termine. Alors que la jeune femme réalise à peine ce qu’elle vient de vivre,, le voisinage, la police et les témoins du crime commencent déjà à propager des rumeurs quant aux événements. Sans cesse remise en doute, la parole de la jeune fille est discréditée par certains et certaines. Les fausses affirmations sur l’agression pullulent dans une cacophonie insupportable mais instructive. Par ailleurs, les interprétations des thèmes liés à la violence faites aux femmes, à la justice et au racisme sonnent juste.
L’écriture a permis une grande liberté au metteur en scène. Grâce à la scénarisation, tour à tour, les comédiennes aux visages couverts d’un collant et aux corps meurtris s’échangent le rôle de la jeune femme. « Il y a des personnages qui disent certaines atrocités. En fait, c’est d’assumer de prendre cette parole-là au premier plan, puis de l’incarner dans des corps et dans des voix. Il y a des corps et des personnages qui habitent cette parole-là qui peut déranger », explique Philippe Boutin.
La sidération et le traumatisme
Au plafond, les néons grésillent et éclairent les chaises blanches disposées aux quatre coins de la salle alors que la jeune femme est transportée à l’hôpital, puis au poste de police. La mémoire de la victime, sollicitée de toute part tandis qu’elle demeure traumatisée, est brouillée. La prise en charge de la jeune femme est traitée en détail et démontre la sidération psychique des femmes violées.
Philippe Boutin a d’ailleurs souhaité s’entourer de femmes pour mieux rendre compte du thème abordé. « C’est vertigineux. Je suis un gars, donc il y a plein de questions qui se posent. […] Je voulais avoir une équipe de filles, avoir des conceptrices autour de moi. Je voulais une dramaturge. Je voulais vraiment être entouré d’un groupe [de femmes] pour pouvoir créer ça ensemble et que ce ne soit pas uniquement le gars qui décide », explique le metteur en scène.
Saisissante, La nuit du 4 au 5 brise le quatrième mur pour responsabiliser son auditoire. La pièce brosse un portrait glaçant et réaliste de l’expérience vécue par de nombreuses victimes dont la parole ne devrait jamais être remise en doute.
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