Les esquisses d’un monde artistique sans harcèlement

Fondée pour porter assistance aux personnes qui subissent du harcèlement, l’association l’Aparté a animé un webinaire, le 20 octobre, pour permettre d’identifier le harcèlement et de lutter à son encontre dans un milieu au sein duquel les limites avec la vie personnelle sont floues.

Selon une étude de Statistiques Canada parue en 2016, 19 % des femmes et 13 % des hommes ont déclaré avoir été victimes de harcèlement dans le cadre de leur emploi, au cours de l’année précédente. On observe le même constat dans le monde des arts, mais avec quelques particularités.

Les rapports inhérents à cet environnement apparaissent complexes puisque les figures d’autorité sont aussi celles qui détiennent l’avenir professionnel des individus qui y évoluent.

Des formes de harcèlement aux conséquences graves

Harcelée à plusieurs reprises, la muraliste Maylee Keo explique que, par peur de représailles, certaines victimes ne sont pas prêtes à dénoncer leurs supérieur(e)s lorsque leurs comportements sont inappropriés. « Il y a encore malheureusement cette “Wolf Pack” qui a trop de pouvoir », confie l’artiste qui est travailleuse indépendante depuis 2016.

De plus, les victimes portent généralement plainte contre leurs agresseurs ou leurs agresseuses qu’après avoir démissionné, selon Me Pascale Lanctôt-Leroy, co-animatrice du webinaire et avocate de l’Aparté. Le centre de ressources juridiques offre une première aide aux professionnel(le)s de la sphère culturelle qui font l’objet ou qui ont été témoins de harcèlement psychologique, sexuel ou de violence au travail. Leurs assaillants ou leurs assaillantes restent en poste. C’est ce qu’on appelle le harcèlement causant une lésion professionnelle.

On compte quatre principales formes de harcèlement. Le harcèlement sexuel qui concerne les demandes de faveurs, les attouchements et les agressions. L’acte criminel englobe les comportements qui pourraient faire craindre pour la sécurité d’une personne, tandis que le harcèlement psychologique comprend la violence verbale, le dénigrement ou l’intimidation.

Le harcèlement discriminatoire porte quant à lui sur des exclusions liées à l’âge, au handicap, à la religion ou encore à la race. Maylee Keo a dû faire face à ce type d’abus de la part de collègues et de promeneurs et de promeneuses. « Je fais partie du peu d’artistes asiatiques, [… ]. Donc, j’ai des stéréotypes de femme et de femme asiatique. C’est dangereux parce qu’il y a du fétichisme, du racisme et de la discrimination », explique-t-elle.

Des comportements encadrés par la Loi

Au Québec, la Loi sur les normes du travail s’applique pour lutter contre ces agissements. Selon cette législation, l’employeur ou l’employeuse a l’obligation de mettre en place une politique pour prévenir le harcèlement d’un travailleur ou d’une travailleuse, même si celui-ci ou celle-ci est autonome.

Toutefois, ces règles sont difficilement applicables dans un cadre public, selon Maylee Keo. « Il n’y a rien qui puisse nous protéger. C’est juste la job en fait. Les employeurs de tels organismes vont être au courant qu’il y a du harcèlement. Mais, on fait des choses en public, donc c’est hors du contrôle de l’organisme ou du client », raconte-t-elle.

Pourtant, l’employeur ou l’employeuse doit également déterminer clairement ce qui relève du harcèlement en se basant sur la définition de la Loi. Celle-ci indique qu’il doit s’agir d’un comportement blessant ou vexant, répétitif ou grave.

« Si ce n’est pas désiré, ça peut devenir du harcèlement. Il faut que ça vienne porter atteinte à la dignité ou à l’intégrité d’une personne. On n’a pas à fournir de preuve médicale de notre atteinte à la dignité ou à l’intégrité », ajoute Me Pascale Lanctôt-Leroy.

Selon les deux avocates de l’Aparté, les nouveaux outils et les initiatives proposées aux victimes, tels que des ateliers ou des webinaires, ont un impact positif sur la communauté, même s’il reste beaucoup à faire. « On voit par exemple que le gouvernement essaie de créer un tribunal spécialisé en violence sexuelle », précise Me Angelica Brachelente.

En juillet 2020, pendant la vague #MoiAussi, Maylee Keo a décidé d’agir en organisant un marathon d’illustrations qui a rassemblé plus de 80 artistes pour soutenir les victimes de harcèlement. Alors qu’elle continue de lutter contre les discriminations par l’art, elle déplore le fait que le sujet ne soit pas assez abordé. « On se demande si, en dehors, d’autres choses se passent. J’ai l’impression qu’on n’en parle pas assez », conclut l’illustratrice.

Illustration Édouard Desroches | Montréal Campus

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