L’éreintante course au doctorat en psychologie

Alors que la pandémie a exacerbé la pénurie de psychologues au Québec, l’admission au doctorat en psychologie demeure fortement contingentée. Une réalité que dénoncent des étudiants et étudiantes dans ce domaine, lesquels jugent les critères d’entrée trop sévères.

Les dossiers d’admission au doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sont évalués selon l’excellence académique, à laquelle doivent s’ajouter des expériences de recherche et de clinique, des publications scientifiques ou encore du bénévolat au sein de sa communauté. Ces tâches additionnelles alourdissent l’horaire des étudiants et des étudiantes, déjà très préoccupé(e)s par la réussite de leurs cours.

Tous les membres de la communauté universitaire ne sont pas sur un pied d’égalité en ce qui concerne ces activités extrascolaires, fait remarquer Émilie Charbonneau, parent étudiante au baccalauréat en psychologie à l’UQAM. « En ce moment, je participe à un projet d’art-thérapie : c’est huit séances à l’hiver, et huit séances à l’automne. C’est très bien, mais ça ne fait pas beaucoup d’heures », souligne celle qui arrive difficilement, en tant que mère, à effectuer plusieurs heures de bénévolat par semaine.

Anaïs Lépine Lopez, retenue au doctorat en psychologie à l’UQAM, mentionne également les horaires chargés avec lesquels elle a dû jongler au baccalauréat. « Pour moi, ça a été plus difficile de trouver des expériences cliniques, parce que [la recherche] prend beaucoup de temps. Ça été dur de trouver du temps pour faire les deux », confie-t-elle. À ses yeux, c’est son CV rempli d’activités et d’engagements en dehors de l’université qui lui a permis de se démarquer et d’accéder au programme doctoral si convoité.

Une pression délétère

Le groupe Facebook Le doctorat en psycho n’est pas loin du mythe rassemble des étudiantes et étudiants de premier cycle exprimant leur insatisfaction quant aux conditions d’admission au doctorat en psychologie. Dans une série de sondages publiée au sein de cette communauté, huit membres sur dix affirment que leur santé mentale est affectée par la difficulté à gérer l’ensemble des activités extrascolaires.

Pour Anaïs, la compétition entre les étudiants et les étudiantes contribue également à cette détresse psychologique. « Je souffre d’anxiété, et ça a juste empiré pendant mon bac, parce qu’il y avait tellement de pression de performance. J’étais obsédée par mes notes. Si je n’avais pas la note maximale, j’allais même pleurer, parce que je me disais “ça y est, je ne vais pas rentrer” », relate-t-elle.

La doctorante cite l’exemple de plusieurs de ses amies ayant développé des troubles d’anxiété ou des symptômes dépressifs au cours de leur parcours au premier cycle en psychologie. C’est une situation qu’elle trouve pour le moins ironique, dans un programme visant à former la relève en psychologie clinique.

Des envies de réforme

Face au manque de psychologues exerçant dans le système public et à la demande de services en santé mentale qui ne cesse d’augmenter, les étudiantes et les étudiants des programmes de psychologie s’interrogent sur les conditions d’accès à la formation doctorale, qui limitent drastiquement le nombre d’admission par année.

Parmi les membres du groupe Le doctorat en psycho n’est pas loin du mythe, certaines pistes de réflexion sont avancées. « [Rendre] la thèse de spécialisation […]obligatoire pour toute personne souhaitant appliquer au doctorat, ce serait un grand plus. C’est une belle opportunité, et elle devrait être offerte à tous », plaide Nadine Chapdelaine, étudiante au doctorat et membre du groupe Facebook. Ce travail de recherche d’un an au sein d’un laboratoire de psychologie de l’UQAM est actuellement offert uniquement à celles et ceux inscrit(e)s dans le parcours Honors au baccalauréat.

Pour elle, un accès plus large à la thèse de spécialisation démocratiserait l’expérience en recherche, rendant davantage de candidatures éligibles au doctorat. Elle propose parallèlement une augmentation du nombre de places aux cycles supérieurs. « Les exigences sont très élevées, le nombre de places est faible », affirme Anaïs, entrée aux cycles supérieurs en septembre 2021. « Je comprends qu’il y ait un enjeu financier derrière ça, mais ça crée un blocage de plus avant l’entrée au doctorat », déplore-t-elle.

Un programme en pleine évolution

Durant l’été 2021, une réforme du baccalauréat en psychologie a eu lieu à l’UQAM. Elle comprend la refonte du cheminement-type et la création d’un troisième parcours, intitulé Initiation à la psychologie appliquée, incluant un stage d’observation en milieu de pratique. « On nous a dit que, comme c’était un projet pilote, il n’y aurait que cinq personnes qui seraient prises », mentionne Émilie, se disant intéressée par ce nouveau parcours, malgré l’incertitude quant aux conditions de sélection. Elle suppose que ce profil au baccalauréat sera utile pour celles et ceux ayant de la difficulté à avoir de l’expérience pratique en dehors de l’université et qu’il sera valorisé lors de l’admission au doctorat.

Il reste à voir si la réforme aura les effets espérés par Nadine et Anaïs, afin de diminuer l’anxiété des étudiantes et des étudiants au baccalauréat en psychologie.

mention photo Édouard Desroches | Montréal Campus

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