L’écriture inclusive : refléter la diversité dans la langue

La langue française étant genrée, il est difficile de s’y sentir inclus et incluse lorsqu’on sort du cadre de la binarité. Ayant pour objectif d’éduquer la population à leur réalité, plusieurs groupes issus des minorités de genre militent pour une écriture plus inclusive.

« L’écriture inclusive, c’est une réflexion critique sur la langue. [Elle] peut inclure la féminisation, l’écriture épicène, et on peut aussi penser à la créativité linguistique et au langage non binaire », explique Sandrine Bourget-Lapointe, formateurice en écriture inclusive à son compte. « Ce n’est pas un terme qui est parfait. On pourrait préférer, par exemple, “rédaction anti-oppressive” ou “langage anti-oppressif” », note-t-iel. Pour Sandrine, le terme « inclusive » maintient un rapport inégalitaire entre les genres, puisqu’il sous-entend l’intégration des groupes marginalisés dans une norme.

La féminisation consiste à déconstruire la règle du « masculin qui l’emporte sur le féminin ». C’est, entre autres, faire l’accord au féminin quand une majorité de femmes est désignée. Le langage épicène privilégie quant à lui le choix de formulations neutres et de mots non genrés, comme le terme « apte » au lieu des adjectifs compétent et compétente. La rédaction non binaire, enfin, se fait par la création de néologismes qui prennent en compte toutes les identités de genre. Le pronom iel, regroupant il et elle, en est un exemple. 

Repenser notre discours

« J’ai pris la décision [de ne plus utiliser le pronom il pour me désigner], et c’est un choix politique, parce que c’est quelque chose qui ne m’a jamais représenté(e) […] et parce que je ne voulais pas participer à cette violence systémique par rapport aux femmes, aux personnes non binaires, queer et à toutes les personnes qui sortent de la caste du masculin », partage Eli Cortéz Carreón, étudiant(e) à la maîtrise en communication à l’UQAM et co-rédacteurice du Guide de l’écriture inclusive à l’intention des journalistes qui collaborent au Montréal Campus. C’est pour se détacher de cette « masculinité toxique » qu’iel a fait le choix de féminiser toutes ses phrases, reflétant ainsi son identité non binaire.

Ce genre de changement n’est toutefois pas réservé qu’aux minorités de genre, croit Sandrine. C’est une transformation à petite échelle que l’ensemble de la population est en mesure d’adopter. « L’écriture inclusive, c’est comme une paire de lunettes que l’on met, pour commencer à voir les fois où on aurait pu dire [les choses] autrement et où on aurait pu inclure plus de gens », résume-t-iel.

Combattre la peur

Tout le monde n’est pas prêt à voir le dictionnaire évoluer, soutient Eli, qui réitère le caractère essentiel de son militantisme. Iel fait remarquer que plusieurs institutions linguistiques, notamment l’Académie française, accusent les défenseurs de l’écriture anti-oppressive de dénaturer la langue. L’Office québécois de la langue française (OQLF), par exemple, s’oppose à l’utilisation de néologismes pour refléter la réalité non binaire et indique qu’ « aucun changement général concernant la distinction grammaticale masculin/féminin en français ne se profile à l’horizon ».

Martine Delvaux, écrivaine féministe et professeure de littérature à l’UQAM, croit que certaines personnes refusent de s’adapter à la non binarité présente dans la société. « Dans cette fusion des mots, il y a quelque chose de très confrontant, et je pense que les gens ont très peur d’un monde où les genres sexués ne seraient pas parfaitement divisés », soutient-elle.

Faire vivre la langue

En réponse à ces détracteurs de l’écriture inclusive, Sandrine a choisi de lutter en offrant diverses formations sur le sujet. « Je vais à la rencontre des gens qui ne sont pas convaincus […] pour leur montrer que leur résistance vient souvent d’une incompréhension et du fait qu’ils ne veulent pas faire de désapprentissage », raconte-t-iel.

Martine Delvaux estime, pour sa part, que la société est prête à faire ce changement. « [Ces personnes détractrices] ne gagneront pas, parce que la langue est vivante et qu’on va bien en faire ce qu’on veut », souligne-t-elle. L’autrice est convaincue que cette migration peut se faire notamment par la jeunesse et la communauté étudiante, qui influencent le corps professoral à changer ses méthodes d’enseignement.

Pour ces trois sentinelles de l’écriture anti-oppressive, il est clair que la transition linguistique ne se fera pas du jour au lendemain et que cela demandera un effort d’adaptation au sein de la population. « Je pense que c’est exigeant et c’est sûr que je vais en échapper, comme tout le monde va en échapper. On va faire des erreurs, on va se tromper, mais ça fait partie de ce qui doit être appris », conclut Martine Delvaux.

Mention photo Magali Brosseau | Montréal Campus

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