Le Québec tire son épingle du jeu

Que ce soit pour passer un bon moment en famille ou pour chasser l’ennui du confinement, les jeux de société ont le vent dans les voiles au Québec. Bien que les jeux classiques demeurent populaires, de nouvelles créations québécoises, telles que Azul, Tabarouette t’es faite ou encore Stay Cool, attirent de plus en plus l’intérêt des joueurs et joueuses.

« Chaque pays a sa culture ludique, son type de jeux qu’il va aimer plus que d’autres », note Pierre Poissant Marquis, collectionneur de jeux de société depuis plus de 25 ans. « Au Québec, nous aimons autant les quiz que les Allemands aiment les jeux stratégiques, que les Français adorent les jeux pour les expériences sociales, ou que les Américains aiment ceux qui vont les transporter dans un autre univers », détaille celui qui possède plus de 850 jeux.

Selon lui, l’origine de l’amour du Québec pour les jeux-questionnaires remonterait à 1980, alors que le jeu Trivial Pursuit (Quelques arpents de pièges au Québec) est inventé à Montréal. Dès lors, le Québec devient reconnu pour son intérêt des jeux de connaissances générales, tels que Fin finaud questionne tout et Grouille!. D’ailleurs, la première version traduite du jeu américain Cranuim a été faite au Québec.

Bien que les jeux-questionnaires connaissent une grande popularité au Québec, les jeux de soirée, tels que Panache, J’te gage que, ou encore Expressio, sont aussi très prisés selon le copropriétaire du pub ludique Randolph à Repentigny Richard Desjardins. « Le type de jeux le plus populaire est les jeux de party qui sont relativement simples et drôles en même temps », explique-t-il. C’est également l’observation que fait Lucas Breton, propriétaire du Randolph à Rosemont, ajoutant que le moment de la semaine a aussi un effet sur le type de clientèle attiré. Les soirées et les fins de semaine attirent des amateurs de jeux de soirée, tandis que les jeux stratégiques semblent être plus populaires en semaine.

Le copropriétaire des boutiques Jeuxjubes, une boutique proposant des jeux de société et des friandises, Antoine Carrier constate que la popularité d’un type spécifique de jeux dépend de l’emplacement de la boutique dans laquelle il est vendu. Ainsi, une de ses boutiques, située dans un centre commercial, vend principalement des jeux classiques, comme le Monopoly, et des jeux de soirées, tandis que dans son commerce qui a pignon sur rue, ce sont davantage des jeux de stratégies qui suscitent l’intérêt.

La recrudescence des jeux de société au Québec

« Les leaders [des créateurs et des créatrices de jeux] ont toujours été en Europe, soit en France, en Allemagne et en Belgique. Mais si on regarde au Canada, le Québec a un microenvironnement vraiment propice au jeu de société, ce qui rend beaucoup de jeux uniques à thématique ou à saveur québécoise », estime Antoine Carrier. À titre d’exemple, L’osti d’jeu, qui est la version québécoise de Cards Against Humanity,  a connu une grande popularité dès sa sortie en 2014, illustrant l’intérêt et le marché grandissant des jeux de table au Québec. Le principe est de compléter des phrases de manière aussi cocasse que inusitée à l’aide de différents bouts de phrases distribués aléatoirement aux joueurs et aux joueuses.

L’engouement pour les jeux de société se reflète également par l’apparition en hausse de nouvelles compagnies de jeux, ainsi que de nouveaux commerçants et restaurants semblables au pub ludique Randolph. Selon Pierre Poissant Marquis, l’intérêt des Québécois et des Québécoises envers les jeux de table continue de grandir : « Le Québec est un peu en retard, ayant commencé notre vague d’intérêt pour les jeux de société il y a dix ans, alors que ça faisait déjà dix ans que le reste du monde avait eu la piqûre », fait-il remarquer. Il ajoute que la culture des jeux de société est en pleine expansion au Québec.

Antoine Carrier émet un constat similaire, ayant remarqué une importante augmentation dans les revenus de ses boutiques en dix ans. Selon lui, la hausse d’intérêt des joueurs et des joueuses est due en partie à l’amélioration de l’esthétisme et des matériels de jeux de société. 

« Je pense aussi qu’il y a eu un certain tabou qui s’est brisé. [Avant] tout le monde avait les mêmes jeux de société en tête qui étaient interminables et qui monopolisaient les gens pendant des heures », affirme l’entrepreneur. Par exemple, une seule partie de Monopoly, de Jour de paye ou encore de Risk peut durer plusieurs heures. Il explique que les nouvelles gammes de jeux parues depuis les dix dernières années offrent désormais des jeux simples, qui se jouent relativement rapidement, et qui requièrent un certain niveau de réflexion tout en laissant le temps aux joueurs et aux joueuses de discuter.

Un intérêt aux motifs multiples

Les raisons expliquant l’amour que les gens portent envers ce marché sont multiples. Pour l’étudiant Alexis Rioux, qui travaille au resto-pub ludique L’emprise, c’est entre autres la découverte de nouveaux concepts et de nouvelles idées qui l’attire vers ces activités récréatives. Les jeux de société, « c’est un autre type de créativité. Au lieu de créer de l’art, ils créent des règles », indique l’étudiant. 

L’entrepreneur Antoine Carrier explique aussi qu’il s’agit pour plusieurs d’une bonne manière de se regrouper et de faire une activité qui les éloigne momentanément des technologies. Il soulève que « les gens ont de plus en plus besoin d’être divertis en tout temps de différentes façons, mais il y a peu de manière qui les rejoint socialement sans être technologique pour autant. » 

Un grand nombre de jeux de société, tels que les échecs et le Scrabble, peuvent se jouer en ligne. Même si le numérique offrede plus en plus de jeux, Antoine Carrier estime que cette nouvelle partie du marché ne menace pas les jeux physiques, puisque les deux formes répondent à des besoins et intérêts différents. « Un jeu de société en ligne, ça demeure un jeu vidéo. Des jeux vidéo sont mieux équipés et poussent vraiment plus la limite qu’un jeu de société qui est rendu en ligne », explique-t-il.

Le propriétaire du Randolph à Rosemont, Lucas Breton, croit également qu’une cohabitation est possible entre les deux formes. « Les jeux de société en ligne ont été très [pratique] en temps de quarantaine, donc c’est certain que ça a pris une certaine place du marché, mais selon moi dès que la quarantaine va être finie, les jeux de société physiques vont reprendre en force, parce que c’est un peu dans leur fondamentalisme de rassembler les gens ». On peut ainsi dire que les jeux de société physiques sont loin d’avoir joué leur dernière carte.

Mention photo: Lila Maitre

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *